Présidentielle : comment le parti RN de Marine Le Pen s’est imposé à Mayotte

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C’est à Mayotte, à plus de 8 000 kilomètres de ses bastions traditionnels du nord de la France – 39,27 % et 38,68 % des suffrages dans l’Aisne et dans le Pas-de-Calais – que  Marine le Pen a réalisé son meilleur score au premier tour, loin devant Jean Luc et Emmanuel Macron. Elle a recueilli 42,89 % des suffrages, soit 14 958 voix mahoraises, là où l’Insoumis en a recueilli 23,96 % (8 398 voix) et le président sortant 16,94 % (5 936 voix).

Pour sa troisième campagne présidentielle, la candidate du Rassemblement national connaît ainsi une très forte progression à Mayotte, où elle partait de très bas, en 2012, avec un score modeste de 2,77 % (996 voix). En 2017, elle avait déjà progressé au premier tour avec 27,19 %, derrière François Fillon (32,62 %), mais avait été battue par Emanuel Macron au second tour avec 42,89 % des suffrages (14 374 voix). Cinq ans plus tard, elle est en tête au premier tour, et de loin, avec déjà plus de voix qu’au second tour de 2017. Emmanuel Macron, lui, a perdu 428 voix par rapport au premier tour de 2017.

La “corde sensible” de l’insécurité et de l’immigration clandestine

Thani Mohamed-Soihili, sénateur de Mayotte du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI, précédemment LREM), n’est “malheureusement pas très surpris” par un résultat qui “s’inscrit dans la continuité des élections européennes” de 2019, où le RN avait glané 46,12 % des suffrages. Pour le parlementaire, Marine Le Pen “souffle sur les braises avec son discours sur l’immigration et l’insécurité” à Mayotte. “Ce discours facile, populiste, plaît localement. C’est ce qui explique ce score”, explique-t-il à France 24.

L’insécurité et l’immigration clandestine, thèmes de prédilection du RN, touchent la “corde sensible” de nombreux Mahorais, estime Thani Mohamed-Soihili. Un sentiment corroboré par les chiffres de l’Insee et par les médias locaux qui se font écho des problèmes rencontrés dans l’archipel.

Dans son rapport “Cadre de vie et sécurité à Mayotte” de novembre 2021, l’Insee décrit une “délinquance hors norme”. Sur la période 2018-2019, dans chaque domaine – cambriolages, vols, violences physiques ou sexuelles… – la délinquance mahoraise dépasse très nettement les chiffres de la France métropolitaine. “Les habitants de Mayotte sont personnellement trois fois plus victimes de vols avec ou sans violences”, indique l’Insee, et le sentiment d’insécurité “dépasse de loin tous les standards de la métropole ou des autres Drom (Départements et régions d’Outre-mer)”. En effet, 48 % des Mahorais se sentent en insécurité à leur domicile (52 % dans leur quartier), soit cinq à six fois plus que dans l’Hexagone.

L’immigration clandestine inquiète également la population : les bateaux venus des Comores affluent tous les jours et exaspèrent les Mahorais, qui y voient la source de nombre de maux. Dans son rapport de février 2019, l’Insee indiquait qu’entre “l’immigration importante depuis les Comores” et les départs de “natifs de Mayotte vers l’extérieur”, 48 % de la population du département était étrangère en 2017, chiffre en hausse de 8 % par rapport à 2012.

Du pain bénit pour Marine Le Pen, qui a longuement évoqué ces sujets lors de sa dernière visite dans l’archipel, en décembre 2021. “Mayotte, c’est presque le laboratoire de l’horreur. (…) C’est notre futur si rien n’est fait”, a-t-elle déclaré face à des électeurs déjà conquis.

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