La mort politique en face (Par Adama Gaye)

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Mbenda FALL
C’est la dernière phase d’une course contre la mort. Bientôt, dans treize mois, en principe, un scrutin décisif dira si oui ou non sa victoire sera celle d’une rupture ou d’une continuité. Dès à présent, on peut commencer par évaluer les forces en présence et analyser les stratégies respectives qui se déploient pour en jauger les chances respectives au terme de cette intense compétition politique. Posons les attitudes des protagonistes en lice -et les enjeux y relatifs…
A ma droite, un homme déterminé, prêt à tout, cynique et délibérément tourné vers la préservation d’un pouvoir qu’il tient depuis 2012 sans jamais donner l’impression de vouloir le lâcher -c’est un pouvoir à vie, dans sa conception.
Nous parlons de Macky Sall. Regardons-ses actes et son langage corporel. Son agenda trahit ce qu’il pense. C’est en homme déjà lancé dans une campagne électorale que nous avons affaire. Son mouvement, il le mène depuis 2019. Par l’instauration d’un climat de terreur sur tout le territoire du Sénégal et dans sa Diaspora. Arrestations et tueries tous azimuts de ses critiques. Tentatives de rapatriement des plus féroces. Manœuvres pour en faire taire, par la violence, les fétiches ou l’argent, les plus ardents, comme l’attestent le mutisme d’Assane Diouf et de rappeurs achetés par le commerce en tous genres, de bétail à la corruption fiduciaire, ou l’effacement de plumes naguère torrides contre son régime. Il a porté son zèle électoraliste jusqu’à se servir de la présidence en exercice de l’Union africaine (UA) pour faire des photos opps, des images d’association avec des figures fortes de la scène mondiale, récoltées du G20 au G7, du Sommet USA-Afrique aux réunions de l’UA, jusqu’au Mondial de football, à la Cop27 sur le climat ou à l’ONU. Se projeter en homme d’Etat incontournable dont le Sénégal ne peut se passer dans une volonté de gommer les aspérités criminelles qui souillent son bilan intérieur, à domicile. Cela va jusqu’à payer, rubis sur l’ongle, des publicités onéreuses, pour apparaître en dossier spécial dans le New York Times ou sur les bus New Yorkais lors de rencontres géopolitiques primordiales. Ne parlons pas de ses accointances monnayées avec des groupes de presse comme Jeune Afrique et sa capacité à faire des grandes signatures africaines, déstabilisées par la crise de la presse classique, des propagandistes, acharnés, de sa cause: qui n’a pas noté leur refus de parler des crimes de Macky Sall ? Le dernier livre de Cheikh Yérim Seck, à sa gloire, participe de ce mercenariat des mandarins médiatiques. Qui n’a pas relevé le recrutement à ses côtés de figures que l’on pensait intellectuellement équidistantes, à l’image du juriste Ousmane Khouma ou du journaliste Yoro Dia? Le déroulé de la campagne va jusqu’à imposer un discours qui lui est favorable de la part de ses partisans ou ce qui en reste. Et cela va crescendo. Après le “ni oui, ni non”, sur sa candidature à un 3ème mandat, la saison du “Oui, oui” est, dit sont beau-frère, Mansour Faye, symbole du népotisme qui irrigue son projet, est ouverte. Il ne laisse rien au hasard. Car en recevant avant-hier au palais de la République, le mouvement Xippil Xol Liffi Macky Deff de Doro Gaye -je m’excuse de devoir mettre la torche parce qu’il n’est plus question, à ce stade et en raison des enjeux, de couvrir qui que ce soit), Macky Sall ne craint même plus de s’afficher avec un groupe composé de nervis, espions et tueurs, armés…C’est la face hideuse de la campagne qu’il est prêt à mener. Il y a celle froide et populiste, opportuniste aussi: en allant prier hier à la Mosquée des Mourides de Dakar, Masslikoul Jinaan, en compagnie du Président des Comores, il ne flatte pas seulement l’égo de la communauté mouride mais exprime sa détermination à piocher dans cet électorat qu’il drague sans honte bien que sachant qu’il lui est hostile. Toutes les confessions et confréries sont averties: sans foi ni loi, mécréant, cet être ne lésinera sur aucun moyen pour braconner sur vos terres, quitte à les désacraliser, tuer leur religiosité à des fins politiciennes. Comme il le fera de toutes les autres strates de la société. C’est qu’il sent le besoin de se faire réélire par tous les moyens, par le sang, s’il y a lieu, et le sacrilège donc…
Ce qui montre davantage que Macky Sall est prêt à tout pour imposer sa loi, c’est son silence assourdissant sur les crimes financiers au détriment de la nation commis par ses partisans, qu’il encourage ainsi à voler pour soutenir sa campane. Sans les injonctions à la transparence du FMI et des partenaires techniques et financiers, il n’aurait rien dit ni sur ce trafic des armes de 45 milliards de Francs Cfa fait par Thierno Ndom Bâ -avec une cohorte de toucouleurs identifiés- ni sur le méga-scandale Covid. Il protège et promeut les personnes disposées à se sacrifier pour lui, qu’elles soient médiocres ou faussaires ou pas, genre Malick Sall porté à la tête d’un CosPétrogaz auquel il ne comprend rien. Mais la plus grave de toutes ses manœuvres, c’est celle consistant à mettre en place les bases d’une éviction des figures les plus connues qui veulent s’opposer à lui au prochain scrutin: Ousmane Sonko est sous l’épée d’une procédure judiciaire accompagnée d’une vicieuse campagne pour salir son nom; Khalifa Sall et Karim Wade, condamnés par sa justice, savent que leur participation au jeu électoral est tributaire de son bon-vouloir; Bougane est fragilisé par l’oeil du fisc; tandis que ses critiques les plus acerbes, comme votre serviteur, exilé ou contraint à s’exiler sous la menace d’un assassinat qu’il ordonnerait à ses nervis, ou Pape Alé, sous contrôle judiciaire, avec l’obligation de se taire, et les nombreux activistes jetés en prison sans que le peuple ne s’en émeuve sont autant d’épines qu’il enlève de sa route, dans une course électorale devenue inéquitable…
On serait incomplet en oubliant sa corruption urbi et orbi des chefs religieux, des voix importantes, notamment dans les régions, comme ce journaliste de Tamba dont il dote le groupe de presse, Alkuma (pourtant méritoire) d’une télévision de propagande à son projet, et sa mainmise outrageante sur les sites et médias classiques, en commençant par Seneweb, transformés en Pravdas des temps modernes pour lui cirer les pompes. Les médias publics ont, eux, fini d’assumer leur missions, qui ne sont plus que des médias personnels, ou plus précisément présidentiels.
Les bases de ce froid projet sont assises sur le socle d’une administration caporalisée et des forces de défense et sécurité, avec une justice aux ordres, enthousiastes dans l’œuvre terroriste qu’elles consentent hélas à assumer pour que les instances constitutionnelles, à sa dévotion, puissent jouer leur rôle de légitimation, validation, frauduleuse, de sa participation puis du rapt du scrutin.
C’est, on le voit, un vrai rouleau compresseur qui est en place. L’Etat, capturé, en est la pièce maîtresse.
A ma gauche, qu’y a t-il? Une classe politique gambadant et sautillant au moindre article de presse, comme celui du respecté) Professeur Kader Boye, comme si cela peut suffire pour endiguer la force létale en face.
Dans la course contre la mort face à Macky Sall où les tirs non-conventionnels jouent une part essentielle, jusqu’à être capables de provoquer des crimes rituels sur les routes, notamment l’accident de Sikilo, avec ses 66 morts, la posture non de l’opposition, ou ce qui en tient lieu, comptera moins que celle de la société Sénégalaise. C’est le peuple qui doit se lever pour faire face à un Macky Sall qui n’a aucune vergogne à privatiser son destin en continuant ce qu’il a toujours su faire; lui mentir, lui miroiter des taux de croissance impossibles, lui promettre des baisses du coût de la vie, lui faire sentir des odeurs d’hydrocarbures déjà bradés et dont les recettes se sont envolées, lui mettre une peur décapacitante par une brutale terreur pour le tenir éloigné de ce qui forme sa souveraineté, sa décision électorale.
C’est à remobiliser le peuple, tout le peuple, que revient la mission de tous les acteurs résolus pour abréger ses souffrances.
La mort politique qui lui fait face n’épargnera personne si les manquements et médiocrités, parfois vénales voire de duplicité, des dirigeant (e) s de l’opposition venaient à le priver de son aspiration supérieure: arrêter à tous prix la marche résistible, illégale, de Macky Sall vers ce troisième palier d’un pouvoir qui a définitivement échoué et auquel il ne reste que les moyens de la criminalité, de l’illégalité, de l’immoralité, de l’injustice, du sang, et, d’abord, de la terreur.
Face à lui, la société, unie, doit se dresser pour se sauver de son effacement en…téléchargement.
La mort est en face.
Adama Gaye* opposant en exil du régime de Macky Sall.

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