Yaya Jammeh: la fin sans gloire d’un tyran

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ui arrêtera Yaya Jammeh ? Disons le tout net : la mort.

L’homme, il faut le reconnaitre une bonne fois, est un mort en sursis.

En effet, il faut parcourir la longue existence du bonhomme pour se rendre compte combien il a un esprit dérangé. Le lent basculement du tyran dans l’autoglorification a atteint son paroxysme à mesure que ses  élucubrations ludiques empiraient : non content de dominer son peuple et de l’étouffer avec une gouvernance des plus sombres violentes et liberticides, il a lentement versé dans un mysticisme de mauvais aloi durant lequel il s’est autoproclamé, comme le dictateur des Ecailles du Ciel, «  meilleur guérisseur de la terre à la lune et même au delà ».

Il fut un temps en effet où partout sur toutes les chaines de télé nous voyions un Yaya Jammeh enturbanné en train d’administrer un traitement curatif à des malades atteints de sida et d’autre pathologies pour lesquelles la science peinait et peine encore à trouver ne serait-ce qu’un vaccin. Toujours armé de son exemplaire du coran dont personne ne sait s’il est factice ou pas, l’homme cultivait ainsi le mythe du détenteur d’une puissance mystique aussi dissuasive que son pouvoir temporel. Cela a longtemps contribué à asseoir le mythe de l’homme indestructible,  et invincible.

Le peuple gambien éprouvé était ainsi tenaillé entre l’obligation forcée d’endurer l’homme à cause de sa puissance de répression, ou par crainte de son arsenal mystique qui était censé décourager toute tentative de coup de force contre son régime.

Surtout que tous les coups d’Etat fomentés contre lui avaient échoué, pour une raison ou pour une autre. Cela a tout de même engendré une méfiance accrue de Jammeh contre son peuple et surtout ses voisins, et a occasionné un délire paranoïaque qui est monté crescendo et a nourri une profonde rancœur contre le voisin sénégalais, considéré comme celui qui orchestrait ou encourageait les tentatives de renversement de son régime. Et comme celui par qui le danger viendrait surement.

Par les dernières élections qui viennent de consacrer sa défaite historique, Yaya  Jammeh a constaté avec surprise qu’il était invaincu mais pas invincible !

L’ennemi qu’il croyait qu’il viendrait de loin au point d’isoler son pays pour prévenir toute initiative de déstabilisation de son régime était en  lui-même, à travers sa  suffisance et sa morgue, qui l’ont poussé comme un ultime pied de nez fait à la communauté internationale, à organiser un scrutin exceptionnellement clair, dont il espérait sortir avec une victoire éclatante qui l’élèverait définitivement au rang de héros bien aimé de son pays, n’en déplaise à ses contempteurs !

Sa chute a donc été à la hauteur de sa surprise. Pris de court, il a reconnu sa défaite et félicité son adversaire.

On aurait pu en rester là, si les puissances étrangères avaient adopté une attitude de retenue envers lui, et s’étaient gardées d’épiloguer sur son destin de futur ex dictateur déchu. N’avait-il pas accepté sa défaite et déclaré prêt à laisser le pouvoir à Barrow?

Les propos à son encontre l’ont proprement échaudé. Et les prédictions sombres et comme entendues faites à son endroit par les responsables des droits de l’homme de notre sous région dont certains sont malheureusement sénégalais l’ont radicalisé.

Yaya Jammeh est donc revenu sur sa décision ; et, pour la première fois dans l’histoire politique du monde, un président sortant dont le régime a organisé les élections qui ont conduit à sa chute décide d’ester en justice pour contester les résultats, après avoir pourtant félicité son challenger victorieux et accepté sa défaite.

Aujourd’hui, Yaya Jammeh adopte la dernière stratégie du dictateur que l’on pourrait considérer comme leur oraison funèbre : la victimisation, au rythme de la théorie du complot.

C’est le chemin tragique qui les conduit au choix du martyr ! Pris au piège de sa propre folie, se considérant comme dépositaire d’une aura exceptionnelle, victime d’un délire paranoïaque qui le conforte dans la conviction d’être victime d’un complot ourdi par des comparses qui veulent son déshonneur en cherchant à l’humilier par une plongée dans l’indignité, Yaya Jammeh comme tous les dictateurs avant lui arrivés à ce point a choisi de toiser ses adversaires, nombreux désormais.

Ce qui lui offre une scène à la hauteur du combat qu’il veut mener, celui de garder immaculés son honneur et sa dignité et qu’il compte remporter malgré tout, car il a choisi d’y laisser la vie, pour se convaincre qu’il est mort comme il a vécu : en héros révolutionnaire nationaliste !

Adieu Yaya…

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