Monsieur le Président,
Je me suis permis de m’adresser directement à vous, par le biais de cette lettre ouverte en cette période de crise.
De jeunes sénégalais sont morts lors des manifestations récentes sur l’étendue du territoire. Suite à des faits liés à une affaire civile, le pays vit une période d’instabilité inédite aux issues incertaines.
Cette vague de manifestation n’a de rapport avec l’« affaire civile » que l’effet de déclenchement.
Cet effet de déclenchement a libéré l’expression, certes, violentes de foules un peu partout dans le pays.
Mais non, ils ne sont pas des terroristes, ils ne savent plus comment vous dire que la douleur de la pression sociale de la vie quotidienne a fini par être insupportable.
Rien ne saurait légitimer cette violence qui cassent et emportent les biens d’autrui mais la douleur de ne pas se sentir entendu, la douleur de se sentir ignorer, la difficulté de survie au quotidien expliquent clairement cette furie sans la justifier.
Non Monsieur le Président , vous n’avez pas un peuple de vandales , beaucoup d’entre nous connaissent tous un frère ou un ami qui est mort en mer voulant traverser l’atlantique et rejoindre des terres incertaines par les voies les plus dangereuses, n’ayant plus aucune once d’espoir de vie meilleure dans son propre pays , un proche parent mort par manque de soin adéquat dans nos hôpitaux , un ami diplômé et brillant mais sans emploi , un père de famille qui a perdu son gagne-pain de nuit depuis le couvre-feu, un étudiant qui continue ses études par passe-temps mais n’a plus aucun horizon de réussite ou même de réalisation sociale , le parent ne croit plus à l’éducation de l’école , le malade n’a plus confiance à l’hôpital percu comme l’anti-chambre d’une morgue , l’honnête homme n’a plus confiance en l’Etat de droit , le citoyen malgré tout son amour pour la patrie , perd confiance.
Un ensemble de crises, éducationnelle , sociétale, intellectuelle , économique , le tout ravivé par une crise sanitaire a fini de créer une atmosphère d’affliction et d’absence totale d’espoir sans précèdent. Les évènements récents n’ont été que le déclenchement de cet exutoire certes violent mais il ne pouvait pas en être autrement.
Des ténèbres Dieu fait aussi sortir la lumière : ces manifestations ont révélé un amour, un attachement très fort de ce jeune Sénégal grandissant à notre chère nation, une foi inébranlable, une aspiration forte à la souveraineté et une unité indéfectible malgré nos clivages.
Ne percevez pas que l’animosité manifesté.
Une jeunesse nouvelle, aux pensées nouvelles est en train de donner jour à un pays renouvelé à l’unité indéfectible et qui se veut souverain.
Vous avez l’opportunité de donner naissance à cette nouvelle république, vous avez l’opportunité de nous faire sortir de cette crise que l’histoire retiendra. Vous avez l’opportunité de redonner l’espoir et rétablir la stabilité. Vous avez l’opportunité de rétablir le commun sentiment chez tous les sénégalais d’un Etat de droit. Vous avez l’opportunité de faire revenir l’espoir de vie et de réussite à tout jeune sénégalais, qu’il soit étudiant, artisan, paysan, ou entrepreneur. Vous avez l’opportunité de donner naissance à ce Sénégal nouveau.
Cette alarme lancée par la rue est une opportunité pour un nouveau départ résilient, et c’est ce que l’histoire retiendra de vous en tant que quatrième président, cette république qui vient d’imprimer des lettres indélébiles sur le livre de son histoire.
Elhadj Amadou POUYE
Un jeune sénégalais.
