Les candidats publicitaires et les véritables enjeux (Par Yoro Dia)

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«L’apathie est l’ennemi des démocraties», disait fort justement l’auteur de La Démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville. Notre démocratie, avec plus de trois cents partis et un nombre illimité de candidats pour les locales, est très loin de l’apathie qui faisait si peur à Tocqueville. C’est une excellente chose pour ces locales, que la Société civile et des identités remarquables dans les localités, aient décidé de franchir le Rubicon en se lançant dans la course, parce que la politique est une chose trop sérieuse pour être laissée entre les mains des seuls politiciens professionnels.

Parmi ces candidats qui ont décidé de franchir le Rubicon, il y a beaucoup de novices en politique, mais avec une compétence professionnelle avérée. Il y a des ingénieurs, des hommes d’affaires, des hauts fonctionnaires, des avocats… Ces candidats de la Société civile, du mouvement associatif, du monde de l’Entreprise, de l’Université et du Barreau, ont enfin compris qu’en démocratie, la plus grande légitimité est élective, d’où leur décision de quitter le confort de leur salon dont le canapé était devenu un mur des lamentations, pour se lancer dans la bataille électorale.

Souvent, cette décision est la conséquence d’une accumulation de frustrations devant les défaillances et les manquements de l’Etat. Face à l’incurie de l’Etat, ces personnes ont cherché des solutions individuelles dans la jouissance de la «sphère privée», avant de chercher une solution familiale (au sens africain du terme) et de se rendre compte qu’on ne peut pas se substituer à l’Etat car pour être efficace socialement, il faut disposer d’un instrument public qu’on ne peut acquérir qu’à travers le suffrage. Cette nouvelle tendance, qui voit des Sénégalais extrêmement brillants et compétents, novices en politique, partir à l’assaut des élections locales, est une très bonne chose, car elle prouve que notre démocratie ouvre une nouvelle page.

La démocratie est une affaire de plébéiens et de patriciens. C’est la plèbe qui élit en arbitrant le combat des patriciens. C’est pourquoi la démocratie n’est pas affaire de médiocres mais d’élite. A partir du moment où la plus grande légitimité est élective, ce sont les meilleurs d’entre nous qui doivent «compétir» pour diriger. La page qu’on doit fermer est celle du débat permanent sur les règles du jeu, et ouvrir celle du vrai débat, avec la compétition des idées sur les vraies questions (Santé, l’école publique, la croissance, la paix durable en Casamance…). Bref, passer de la démocratie des gladiateurs à celle des porteurs d’idées, et la forte présence de la Société civile et des identités remarquables pour ces locales, montre que les gladiateurs deviendront bientôt anachroniques et laisseront la place à des vrais débats d’idées.

Notre démocratie est très loin de l’apathie que craignait Tocqueville en son temps, mais elle est menacée par le cannibalisme virtuel des candidatures publicitaires, qui sont une arme de distraction massive, mais qui crée un brouillage numérique considérable et porte préjudice aux vrais candidats. Une candidature publicitaire consiste à se présenter pour faire du buzz tout en sachant qu’on n’irait pas jusqu’au bout, ou même si on y va, on n’a aucune chance mais la finalité est le buzz, pas l’élection. Les candidatures publicitaires nous distraient alors que ces locales sont très importantes, car elles sont une sorte de primaire ou de course dans la course à la fois pour l’opposition mais aussi pour les poulains de Macky Sall.

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