Alors que le Sénégal tente de refermer la douloureuse parenthèse des événements tragiques de 2021 à 2024, le ministre de la Justice a saisi le procureur général pour faire toute la lumière. Une initiative attendue, saluée par certains, redoutée par d’autres. Mais cette quête de vérité ne saurait se faire dans le flou, ni sous influence.
Car le risque est bien réel : celui d’une justice instrumentalisée, orientée au service d’un agenda politique. Ce serait une double trahison — envers la mémoire des victimes, et envers les principes fondamentaux de l’État de droit.
Le peuple sénégalais n’attend pas une justice sélective. Il réclame des réponses claires, des responsabilités établies avec rigueur, dans le strict respect des droits de la défense. Surtout, il exige une justice libre — et non un bras armé d’un pouvoir.
À défaut d’une saisine de la Cour pénale internationale (CPI), compétente pour les infractions déclarées imprescriptibles , par définition, échappent aux effets d’une loi d’amnistie, plusieurs garanties s’imposent :
La mise en place d’une commission d’enquête indépendante, affranchie de toute tutelle politique ;
La présence d’observateurs internationaux, pour assurer la crédibilité du processus ;
Une transparence totale, avec des rapports publics réguliers et accessibles à tous ;
Le respect strict du principe du contradictoire et des droits fondamentaux de toutes les parties.
La justice ne doit ni être un outil de vengeance, ni un mécanisme de blanchiment. Elle ne doit ni diviser, ni humilier. Elle doit rassembler et pacifier.
Le Sénégal ne peut se permettre une justice à deux vitesses. Il mérite une justice indépendante, souveraine et fidèle à la vérité.
Abdourahmane Maiga
Juriste, membre du Cercle des cadres de la République des valeurs
