Capitaine Seydina Oumar Touré : Un enquêteur sous pression (Profil)

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La décision est tombée sans surprendre. Le capitaine Seydina Oumar Touré a été radié de la Gendarmerie nationale “pour faute contre l’honneur, la probité et les devoirs généraux du militaire”.
Retour sur cette brillante carrière brisée par l’affaire Sweet Beauté.
Sa lettre aux relents putschistes, a eu l’effet d’une seconde déflagration en pleine explosion de colère à amplitude nationale. Le Capitaine Seydina Oumar Touré était bien conscient des conséquences que pouvait engendrer cette sortie au vitriol, du dimanche 7 mars 2021, qui en remet une couche sur la très explosive affaire de viol Ousmane Sonko-Adji Sarr.
Face à un dilemme cornélien qui hante son sommeil, dans un contexte très chargé, son choix est pour le moins risqué… mais justifié. Il a préféré sacrifier une brillante carrière de Gendarme pour sauver sa vie et celle de sa famille.
Qu’importe les conséquences !
Comme il le précise si bien dans sa lettre de démission -qui rompt d’emblée avec les règles de bienséance militaire- adressée à sa hiérarchie via Facebook : “à l’impossible, nul est tenu” !
Filé comme un dangereux malfrat par les éléments de la redoutable direction nationale du renseignement sénégalais, l’enquêteur en chef du sulfureux dossier dans lequel l’opposant Ousmane Sonko est accusé de viol par la masseuse Adji Sarr, finit par céder à la pression. Contraint ainsi de violer le code d’honneur qu’il avait juré de respecter même au péril de sa vie, lors de son incorporation dans les rangs de la Gendarmerie Nationale le 3 décembre 2012, Capitaine Touré assume pleinement.
“Je m’appelle Oumar Touré. Mon nom ne vous est pas inconnu car il apparaît dans le procès-verbal de l’affaire opposant Mademoiselle Adji SARR a l’honorable député Ousmane SONKO. Je ne suis qu’un capitaine de Gendarmerie, qui est dans l’obligation de parler au risque de ma vie car à l’impossible, nul n’est tenu. Depuis la fuite du procès-verbal concernant cette enquête je suis suivi par des individus dont j’ignore la vraie motivation jusqu’à ce qu’on m’apprenne qu’il s’agissait des éléments de la Direction Nationale du Renseignement Sénégalais. Pour une affaire privée j’ai été plutôt très surpris par cette mesure”, écrit-il sur sa page Facebook.
Enquêteur chevronné, “Pastefien” supposé
Il poursuit : “j’ai ainsi saisi ma hiérarchie par correspondance en date du 03 mars 2021 de mes craintes pour ma sécurité et celle de ma famille. Depuis lors, aucune mesure n’a été prise et les individus continuent leur forfaiture en suivant tous mes déplacements, allant même jusqu’à mettre sous écoute mes communications en anticipant tous mes faits et gestes. Ce qui constitue une violation de mes droits constitutionnels”
Tout cela parce que, ajoute l’enquêteur, “je suis soupçonné à tort d’être à la solde d’un opposant que je n’ai rencontré que le jour de la remise de sa première convocation dont j’étais porteur, donc en faisant mon travail conformément aux ordres de mes chefs”. Cette rencontre anodine avec le chef du Pastef finit par avoir un effet domino sur sa carrière, l’enfonçant dans un engrenage sans issue possible. Pourtant son expérience dans la maréchaussée témoigne à sa décharge.
Enquêteur chevronné à la Section de Recherches de la Gendarmerie où il n’a fait que deux ans, il est connu pour sa rigueur. Là-bas, sa probité n’a jamais souffert d’un doute puisqu’il a dirigé, d’une main ferme et en toute impartialité, les enquêtes dans les dossiers les plus chauds, rédigé les procès-verbaux les plus costauds. Et c’est le Haut Commandement lui-même qui en témoigne dans son communiqué du 11 mars 2021 : “Cet officier est connu jusque-là pour sa bonne manière de servir”.
Hélas, regrette-il lors de son passage à la matinale de faits divers de Zik Fm, Teuss : “malheureusement c’est dans l’affaire la plus simple que ma crédibilité a été remise en cause”. Mais, qu’à cela ne tienne ! Touré estime malgré tout que sa “crédibilité” reste intacte et il n’a nullement besoin de la “prouver”. Tout comme il a balayé d’un revers de main toutes les thèses (celle du piratage de son compte Facebook ou encore celle de la démence) fabriquées pour le discréditer.
“Des autorités de la Gendarmerie m’ont appelé pour me demander de dire que mon compte Facebook a été piraté. (…) Le lendemain de ma sortie, un docteur est venu dans mon bureau pour constater mon état de démence. (…) Mon père s’appelle Boubacar Touré, il habite Tamba. Ma mère Fatou Mbodji habite Saint-Louis. Si ces deux personnes et mon épouse vous disent que j’ai perdu la tête, vous pouvez le croire”, lâche-t-il.
Juriste par conviction, Gendarme par adhésion
Homme de l’ombre, poli, correct et courtois en toutes circonstances, sans faille apparente, selon ses proches et ses camarades de promotions, Seydina Oumar Touré n’en est pas moins un juriste convaincu qui aurait bien pu faire carrière dans la magistrature. L’étudiant qui a eu un parcours scolaire et universitaire sans anicroche avec une mention Bien au Bac, est un des rares étudiants à réussir d’un trait ses études à la faculté de droit de l’Ucad.
Ses camarades de la promotion Mouhamadou Makhtar Cissé se rappelle de “l’homme digne, sérieux, travailleur et rigoureux” que le capitaine Touré n’a jamais cessé d’être. “Quand j’ai vu sa lettre, connaissant la personne, j’ai fondu en larmes ; parce que je me suis dit qu’il a eu tellement mal qu’il a jeté l’éponge”, témoigne son camarade Chérif Baldé repris par L’Observateur.
Fils d’un militaire, réussir le cours de la gendarmerie était pour lui une affaire d’honneur. D’ailleurs, se rappelle Baldé qui a passé avec lui le concours : “il y croyait tellement qu’il s’entrainait et apprenait sans répit”. Pas étonnant alors qu’il passe au grade de Capitaine après moins de dix ans d’ancienneté, avant la majorité de ses promos.
Aujourd’hui, ce jeune homme de 32 ans marié et père de deux enfants (une fille et un garçon), qui avait l’amour de l’uniforme et du drapeau, vient d’être radié (par décret présidentiel) de la Gendarmerie nationale “pour faute contre l’honneur, la probité et les devoirs généraux du militaire”. Ceci après avoir purgé 60 jours d’arrêt de rigueur (mesure disciplinaire) à la LGI Mbao. Ce bel avenir qui lui était prédestiné dans la Gendarmerie part ainsi en fumée.

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