Si vous n’avez rien suivi à la crise au Venezuela

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Le mouvement de contestation du pouvoir de Nicolas Maduro connaît un important regain depuis début avril. La crise qui déchire le pays dure depuis bien plus longtemps.

L’opposition vénézuélienne au président Nicolas Maduro ne faiblit pas. En trois semaines, six grands rassemblements se sont tenus pour exiger la tenue d’élections anticipées et le respect des prérogatives du Parlement, dominé par l’opposition au président chaviste Maduro. En trois semaines, huit personnes sont mortes dans ces manifestations, des dizaines d’autres ont été blessées et les forces de l’ordre auraient procédé à près de mille interpellations. Mercredi 19 avril, ils étaient encore plusieurs milliers à défiler dans les rues de Caracas.

Depuis plus d’un an, le pays est secoué par une triple crise, économique, politique et institutionnelle.

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Le contraste avec l’époque de Hugo Chavez

La situation actuelle prend racine bien avant la victoire de l’opposition aux législatives de décembre 2015. L’actuel président, le socialiste Nicolas Maduro a succédé à Hugo Chavez, décédé en 2013 après quatorze ans au pouvoir. Arrivé au pouvoir en 1999, Chavez, leader de la « révolution bolivarienne », régulièrement accusé de dérive populiste voire autoritaire, a permis à son pays de connaître quelques années de réussite économique et sociale.

Les raisons de son succès sont multiples. Au plan international, Chavez a incarné une opposition résolue à la domination des Etats-Unis (longtemps alliés du Venezuela), notamment grâce à la création de l’Alliance bolivarienne pour les Amérique (Alba) avec Cuba en 2004. Il a également relancé l’Organisation des pays exportateurs de pétroles (OPEP), favorisant une remontée du prix du baril de 10 dollars fin 1998 à 25 dollars début 2000. Une manne cruciale pour un pays qui dispose des premières réserves mondiales de pétrole brut. Grâce à ses ressources nationalisées depuis 1974, le Venezuela est devenu le pays le plus riche d’Amérique latine en 2001.

Au plan national, Hugo Chavez a voulu incarner le socialisme. Il a placé le contrôle de l’industrie pétrolière dans les mains du gouvernement à l’hiver 2002-2003 et lancé de grands chantiers sociaux financés par la rente pétrolière. Ces programmes ont permis, entre autres, une réduction de la grande pauvreté, la fin de l’analphabétisme et l’accès gratuit à la médecine pour tous.

Une crise économique profonde depuis 2014

Mais l’ancien leader de la révolution bolivarienne a profité d’une conjoncture favorable sans profiter de l’occasion pour diversifier son économie. Outre la corruption rampante, le Venezuela est totalement dépendant des cours de l’or noir puisque les exportations de pétrole représentent 95 % des ressources en devises du pays. Or, le prix du baril, qui atteignait 107 dollars en juillet 2014, est tombé à 56 dollars un an après, jusqu’à plonger à 30 dollars en janvier 2016.

Conséquence : les revenus du pays ont fondu à partir de 2014, moins d’un an après l’arrivée de Nicolas Maduro au pouvoir. Le successeur d’Hugo Chavez a dû supprimer des aides sociales en 2015. La baisse du prix du pétrole a également réduit les réserves de dollars du pays, handicapant ses importations et provoquant des pénuries.

En 2016, près de 80 % des produits de base (principalement issus des importations) manquaient au Venezuela, soumettant les habitants à un rationnement drastique. La pénurie de médicaments de base a également touché 76 % des hôpitaux publics en 2016. Une étude de 2016 montrait que le taux de mortalité infantile avait augmenté de 45 % par rapport à 2013.

Selon les statistiques officielles, le PIB ne cesse de se réduire depuis 2014, et aurait chuté de plus de 18 % en 2016, selon des chiffres provisoires de la banque centrale dévoilés par Reuters. Le déficit public est supérieur à 20 % du PIB et la situation économique fait craindre un défaut sur la dette. Selon l’institut national de la statistique, l’augmentation générale des prix atteignait 150 % en 2015 (20 % en 2012), et 350 % sur les seules denrées alimentaires. En 2016, l’inflation aurait atteint 800 % et devrait encore doubler en 2017.

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Des manifestants lors d’une marche contre le président vénézuélien Nicolas Maduro, à Caracas le 19 avril.
Des manifestants lors d’une marche contre le président vénézuélien Nicolas Maduro, à Caracas le 19 avril. FEDERICO PARRA / AFP

Une contestation politique massive depuis 2015

La contestation sociale et politique s’est nourrie de cette crise économique. Alors qu’il avait été élu d’une courte majorité en avril 2014, le président Maduro voit sa popularité baisser à 24 % en 2015. Les pénuries provoquent des pillages et des manifestations (590 par mois en moyenne en 2016). L’Observatoire vénézuélien de la violence soulignait en 2016 que le contexte économique et social avait fait grimper la violence et l’insécurité. Avec 91,8 morts violentes pour 100 000 habitants, le Venezuela est devenu le pays le plus violent au monde, après le Salvador, loin devant la Colombie ou le Brésil (respectivement 25,3 et 25,1 pour cent milles).

Sur fond de crise économique et sociale, l’opposition a gagné du terrain et est devenue majoritaire au Parlement en décembre 2015. Grâce aux trois cinquièmes des sièges qu’ils acquièrent, les opposants de Maduro sont en position de convoquer un référendum pour destituer le président. En avril 2016, l’autorité électorale a autorisé la majorité parlementaire à déclencher le processus. Les adversaires de M. Maduro ont ainsi réuni plus de 1,8 million de signatures en quelques jours (soit plus que le 1 % du corps électoral nécessaire) et le projet de référendum a été validé en août 2016.

LE RÉFÉRENDUM RÉVOCATOIRE N’A JAMAIS EU LIEU MALGRÉ L’AUTORISATION INITIALE

Mais il n’a cessé d’être repoussé. Fin octobre 2016, l’autorité électorale a même suspendu le processus au motif que des fraudes auraient été signalées dans le recueil des signatures. Depuis, la situation s’enlise entre un pouvoir et une opposition qui s’accusent mutuellement de s’arroger un pouvoir illégal.

Le 30 mars 2017, la tension est encore montée d’un cran quand la Cour suprême, considérée favorable à Nicolas Maduro, a décidé de s’octroyer les pouvoirs du Parlement, contrôlé par l’opposition, et de lever l’immunité des parlementaires. Après les très nombreuses critiques internationales qui ont fustigé cette rupture de « l’ordre démocratique », la Cour suprême a finalement reculé le 1er avril.

Face à ce qu’elle a qualifié de « coup d’Etat », l’opposition a engagé un cycle de manifestations le 4 avril pour exiger une élection présidentielle anticipée – la prochaine doit avoir lieu en 2018. La contestation s’est encore amplifiée le 7 avril, quand le chef de l’opposition, Henrique Capriles Radonski, deux fois candidat à la présidence de la République, a été privé de ses droits politiques pour quinze ans. Cette décision intervient alors que le pouvoir est déjà pointé du doigt en raison de la centaine de prisonniers politiques recensés au Venezuela.

La crise politique a également pris une nouvelle ampleur début avril. Loin de se résumer à un affrontement pouvoir/opposition, la décision de la Cour suprême a fait apparaître des divergences au sein même du pouvoir chaviste, qui peine toujours à trouver un leader incontesté quatre ans après la mort d’Hugo Chavez.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/04/20/si-vous-n-avez-rien-suivi-a-la-crise-au-venezuela_5114482_4355770.html#17wGI9xp5U9YbIaU.99

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