Rapports heurtés avec la magistrature : le Garde des Sceaux remet les choses à plat

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Le ministre de la Justice, Me Sidiki Kaba, assure que les rapports difficiles récemment notés entre son département et la magistrature sont dépassés. 

C’est le calme après la mini-tempête de l’affaire Souleymane Téliko. Le ministre de la Justice a déclaré hier, en marge de consultations sur le Protocole de Malabo, que les rapports conflictuels avec la magistrature sénégalaise ne souffrent plus d’aucune mésentente. ‘‘Il n’y a jamais eu de hache de guerre. Nous défendons le principe qui permet à la justice de fonctionner. Le président de l’UMS a dit, la semaine dernière que les réformes qui ont été initiées, depuis 25 ans, les avancées historiques méritent d’être saluées (…) Ce sont ces réformes qui ont fait l’objet d’un débat. Ils ont permis l’accès à la hors-hiérarchie de 61 magistrats. Ça ne s’est jamais vu. C’est tout à fait historique, de jeunes magistrats, aujourd’hui à partir de 18 ans, deviennent de hauts magistrats qui peuvent exercer les plus hautes fonctions au Sénégal. Au contraire, ce sont des félicitations que nous avons reçues’’, tempère-t-il.

Un clin d’œil pour calmer des magistrats dont les récentes sorties fracassantes dans la presse, après démission ou menaces de démission tout aussi spectaculaires, témoignent de rapports heurtés avec la chancellerie. En février dernier, c’est le juge Ibrahima Hamidou Dème qui quittait le Conseil supérieur de la magistrature en adressant une lettre à Macky Sall. Il y dénonçait le ‘‘manque de transparence dans le choix des magistrats’’, et le ‘‘recours systématique’’ à la procédure des ‘‘consultations à domicile’’ par Sidiki Kaba. Cette pratique a failli également provoquer la démission collective de l’UMS du Conseil supérieur de la magistrature, après que le juge Souleymane Téliko ait été traduit en conseil de discipline pour avoir critiqué, dans une lettre, la procédure de consultation à domicile.

‘’Nous sommes en phase avec l’UMS’’

Hier, le ministre de la Justice en a donc profité pour remettre les compteurs à zéro avec les magistrats. Il a plaidé une indépendance totale de la justice. ‘‘Je salue ces magistrats qui font ce travail assez difficile, très mal compris. Nous sommes en phase avec l’UMS, qui a estimé que le travail fait par le Président Macky Sall a changé complètement la situation des magistrats. Quand on parle d’indépendance, on en voit qu’un seul aspect, par rapport à l’Exécutif. Mais, l’Etat joue la même fonction que n’importe quel autre justiciable. Combien de grands procès a-t-il perdu en instance ? Faire l’appel ; aller jusqu’en pourvoi en cassation ? Il y a beaucoup de dossiers qu’il perd ou qu’il gagne. L’indépendance, c’est par rapport à tout : l’argent sale qu’il ne faudrait pas prendre, les groupes mafieux en capacité d’influer la justice. Elle doit être rendue dans les meilleures conditions d’impartialité. Ceci n’est possible que lorsque le juge peut la rendre sans craintes et sans peurs. Nous veillerons à ce que ce soit ainsi,  car, toutes les décisions prises en Conseil supérieur de la magistrature le sont en accord avec les chefs de Cour », conclut-il.

JUSTICE

Une juridiction régionale africaine à l’horizon

Le Protocole de Malabo se veut la prochaine étape d’une justice internationale en Afrique. Des consultations sont ouvertes à Dakar, depuis hier, pour sa concrétisation.

OUSMANE LAYE DIOP

Le directeur d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre multiplie les initiatives pour que justice soit rendue. Une consultation est en cours sur le Protocole de Malabo, une idée de l’Union africaine (UA), qui se propose d’établir une justice pénale régionale sur le continent. Après le récent jugement de Hissein Habré à Dakar, Alioune Tine estime que des choses restent à faire. ‘‘Malgré la promesse d’avoir le projet d’une cour pénale au niveau régional, il y a plusieurs préoccupations dont la plus importante est certainement celle contenue dans le Protocole de Malabo. C’est la question relative à l’immunité pour les chefs d’Etat et les hauts fonctionnaires’’, a-t-il lancé hier, à l’ouverture des consultations sur ce Protocole. L’idée est d’avoir une juridiction régionale chargée de lutter et de réprimer les crimes les plus ‘‘classiques’’, comme celui de guerre, de crime contre l’humanité et génocide.

Le crime de changement anticonstitutionnel de gouvernement, la piraterie, le terrorisme, la corruption, l’exploitation illégale de ressources naturelles sont autant de dispositions assez originales que le Protocole a l’ambition d’ajouter à la liste des crimes qu’il va combattre. ‘‘On a voulu l’élargir à d’autres formes de crimes autres que ceux habituels. Toutes ces considérations qui sont sources de conflit sur le continent africain y sont incluses. Ces consultations aboutiront à des recommandations pointues que le gouvernement sénégalais va étudier’’, a renchéri le ministre de la Justice, Sidiki Kaba. Pour le moment, sept  pays ont signé ce protocole, à savoir le Tchad, la Mauritanie, le Ghana, la Sierra Léone, le Congo Brazzaville, la Guinée Bissau, et le Bénin. Ce qui, de l’avis du Garde des Sceaux est encore insuffisant. ‘‘Il faudrait beaucoup plus d’Etats pour pouvoir arriver à l’entrée en vigueur du Protocole de Malabo, à savoir  quinze pays’’, note-t-il.

Retrait collectif CPI

Le 31 janvier 2017, les chefs d’Etat africains ont entériné le principe d’un retrait collectif du statut de Rome, dont la ratification permet l’adhésion à la Cour Pénale Internationale (CPI), lors d’une réunion de l’UA tenue à huis clos, au sommet d’Addis-Abeba. Cela, suivant les sorties de l’Afrique du Sud, de la Gambie et du Burundi en 2016 ; les deux premiers ayant finalement renoncé à se retirer. Ce qui irrite Me Kaba. ‘‘La première des choses qu’il faudrait retenir est que l’Afrique n’est pas entrée collectivement à la CPI. Adhérer à un traité, à une convention, est un acte souverain d’un Etat. En retour, on ne peut pas exiger qu’il y ait une sortie collective des Etats. Cela n’a pas de sens. L’Union africaine l’a demandé, mais, elle n’est pas partie au statut de Rome. C’est une organisation panafricaine politique. 20 Etats qui n’ont pas ratifié ne peuvent exiger que 34 qui l’ont fait sortent. Chaque Etat est libre de sortir ou de rester au sein du statut de Rome. Je les encourage à rester. Trois Etats étaient partis, deux sont  revenus. Pour l’autre qui n’est pas encore là, le Burundi, espérons que les choses vont changer avant que son retrait ne soit définitif, puisqu’il faut un an. Le plus important c’est la lutte contre l’impunité’’, défend-il.

Toutefois, à son avis, le premier palier doit être fonctionnel pour éviter tout recours à la justice pénale internationale. ‘‘Il faut que chaque système judiciaire national puisse, au nom de la souveraineté, juger l’ensemble des crimes qui relèvent avant tout de leur propre compétence. On l’oppose souvent à la Cour pénale internationale, mais, elle n’a pas sa raison d’être. C’est une juridiction d’ultime recours, complémentaire. Elle n’est pas directement compétente. C’est lorsqu’il y a absence de volonté de juger qu’on y a recours », avance le ministre Sidiki Kaba.

Enquête

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