PPP: Poutine, perdre ou perdre! (Par Adama Gaye)

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Mon sentiment est que Poutine est dans une impasse.
İl a surestimé ses forces. Au point de refaire la même erreur que ses prédécesseurs de l’ère des gérontocrates de l’époque soviétique qui avait entraîné en 1989 l’effondrement de l’empire Russe.
Souvenons-nous: le 27 décembre 1979, les chars Soviétiques envahissent l’Afghanistan. Le projet du pouvoir de Léonid Brejnev est d’installer à la tête de ce pays son homme-lige, Babrak Karmal. N’étant pas content du choix que les communistes Afghans avaient fait pour les diriger, Brejnev ne l’entend pas de cette oreille.
Commence alors une longue guerre. Qui, associée à la chute des cours des hydrocarbures, sa principale source de revenus, la course éreintante et coûteuse aux armements que lui impose une Administration Reagan arrivée aux affaires la même année, et les pénuries internes plus l’épuisement des populations des pays du camp communiste, s’unissent pour précipiter la fin de l’Empire Soviétique.
Quarante trois ans plus tard, Poutine vient de faire un pari propre aux autocrates. N’écoutant que sa conscience et son savoir, militant de la force brute, théoricien de la destruction mutuelle assurée, si besoin par l’atome, il s’est lancé dans une guerre qui peut lui être fatale. En plus de l’être, à titre collatéral, pour le reste du monde.
L’économie de son pays ne tiendra pas. Son armée, comme en Afghanistan, pourrait s’enliser dans le guêpier Ukrainien. Un peuple attaqué n’est jamais faible.
Les sanctions économiques, la faillite de Nord Stream2, l’étouffement de ses géographies, la colère des populations Russes contre ses méthodes, son essoufflement conceptuel, et d’autres facteurs négatifs s’agrègent pour le mettre au pied du mur.
Seul le recours à l’arme nucléaire lui reste. Il en dispose en quantité: 6225 têtes d’ogives nucléaires ! C’est pas peu. Il mise, à tort, sur une fraternité du Grand Sud, incluant la Chine, l’Inde, la Turquie etc…
Outre que ces derniers ont grandi sur le dos de l’ordre libéral post deuxième guerre mondiale en laissant à l’occident le rôle des Martiens, tournés vers les conflits deconstructeurs, pour adopter, selon le mot de Robert Kagan, celui de Vénus, traditionnellement pour les Européens, de prospérité dans la paix, ces potentiels alliés ne le sont que virtuellement. İls ne le suivront pas dans sa folie.
Le risque pour Poutine est une vietnamization, à ses frontières, de ce conflit. Un bourbier qui justifiera davantage ce qu’il ne voulait pas: la projection de l’OTAN dans son voisinage immédiat !
On a beau aimé la musculature de Poutine mais il a fait un pari perdant.
Son erreur, c’est de n’avoir pas aussi compris que nous sommes dans un monde déserté par un leadership sage et de qualité.
Comme celui qui avait pu gérer avec intelligence, finesse, la fin de la guerre froide en n’humiliant pas l’empire rouge défait. Des leaders comme Thatcher, Mitterrand, Bush-père, Kohl avaient les épaules larges. Malgré la faiblesse du successeur de Gorbatchev, en la personne d’un Boris Eltsine, plus éméché que lucide, l’occident avait agi en seigneur et conclu un arrangement qui limitait l’expansion de l’OTAN et de l’UE.
Je me souviens avoir dit sur la télé française lors du sommet du G7, de l’Arche, à Paris, en 1989 qui s’était élargi à l’URSS, déjà en pleine restructuration (Perestroika), qu’un axe judéo-chrétien émergeait.
L’inclusion ultérieure de la Russie dans le groupe en fut la résultante, plus de deux ans apres.
Au même moment, à Bangkok, lors des assemblées générales de la banque mondiale et du FMI, qui s’y tinrent en 1991, et prenant part à un dîner privé avec Michel Camdessus, alors patron du FMI, je l’entendis insister sur l’aide, par une thérapie de choc, que son institution restait résolue à apporter à la Russie.
Que cela n’ait pas marché dans un premier temps ne signifie pas qu’il n’y avait pas une volonté de faire le nouvel ordre mondial, martelé par Bush-père, avec la participation des Russes.
Le supercycle des matières premières, notamment les hydrocarbures, et la forte demande des pays émergents, Chine en tête, sont cependant venus renflouer les caisses et la puissance Russe précisément au moment où Poutine en prend les rênes en l’an 2000.
Un hubris, une arrogance, un esprit cowboy, une logique de vengeance, une volonté de montrer ses muscles, sous les applaudissements des adeptes du rapport de force avec l’occident se sont conjugués en un faisceau de facteurs accélérateurs pour faire croire à Poutine qu’il était l’homme le plus puissant du monde. Oubliant qu’il n’était qu’un géant aux pieds d’argile !
D’où ses errements de la Géorgie à la Crimée. Et maintenant l’Ukraine.
Jusqu’ici il est seul. Ce pari est trop osé. Ni Chine ni Inde ni le peuple Russe ni même les matamores des petits pays du Sud ne le suivront dans les faits.
Seule l’arme atomique lui reste. L’armée Russe va-t-elle le suivre dans sa folie?
Poutine a perdu. Il perd ou il perd: seul ou le monde avec!
Ainsi finissent les dictateurs qui n’en font qu’à leur tête.
L’Ukraine est l’Afghanistan et le Vietnam combinés de Poutine.
Sa déconfiture s’y trouve inscrite. En misant sur la stratégie du pire, Poutine se retrouve, comme disait Michel Rocard, avec la pire des stratégies.
Cet homme est dans un cul de sac. En face de lui, des leaders de moindres calibres, comme ceux du passé, aussi va-t-en-guerre, qui sont pareillement capables d’une maladresse fatale.
On peut en conclure que la guerre déclenchée par Poutine, sur un coup de Poker, irréfléchi, signe d’un excès de confiance, est parti pour lui revenir en pleine figure. Comme un chant du cygne pour son pouvoir -fragilisé!
Ses fans n’auront bientôt plus que leurs yeux pour pleurer sa déroute qu’il a invitée…
Adama Gaye* est un opposant politique au régime de Macky Sall.
PS: Toutes les invasions militaires ont tourné au désavantage de leurs auteurs: Hitler, Bush-fils, les français à Dien Bien Phu, l’OTAN en Libye et l’Ukraine maintenant…

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