Moustapha Ba face aux députés, le parti pris des quotidiens sénégalais

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La session budgétaire 2024 a été close, jeudi 30 novembre 2023, à l’Assemblée nationale. Premier à passer devant les députés à l’ouverture du marathon pour défendre le budget annuel, le ministre des Finances et du Budget a été aussi le dernier pour cette fois-ci défendre l’enveloppe de son département. Mais que retenir de ce face à face entre les parlementaires et Moustapha Ba.

En principe, il suffit de lire la presse pour se faire une idée. Seulement, dans les parutions de ce jour, le lecteur a droit à une chose et son contraire. Parmi les journalistes présents hier à l’Assemblée nationale (certains parmi eux étaient-ils réellement présents ?), il y a en qui ont vu du noir foncé pendant que d’autres voyaient du blanc immaculé.

‘’Moustapha Ba met tout le monde d’accord’’, lit-on à la Une du quotidien L’As. Le journal ajoute dans ses puces que Birame Souleye Diop a dit au ministre : « C’est un régal de discuter avec vous ».

Le Témoin se veut plus dithyrambique : « Moustapha Ba superstar… », affiche à la Une le journal de Mamadou Omar Ndiaye. Sous le titre, le quotidien dit pourquoi le ministre est superstar à ses yeux : « En ces temps de profonds antagonismes entre le pouvoir et l’opposition, la performance mérite d’être saluée assurément. Le ministre des Finances et du budget Moustapha Ba a eu droit hier à une standing ovation de tous les députés de l’Assemblée nationale à l’issue de son discours de clôture de la session budgétaire 2024 ».

Les Echos ne disent pas autre chose. A la Une, c’est toujours la même idée avec des mots différents : « Opposition et pouvoir élogieux envers Moustapha Ba ».

En guise de preuve à cette affirmation, le journal rapporte les propos de Abo Mbacké Thiam du Pds : « Si Karim Wade est élu, on souhaite que vous soyez ministre des Finances ».

Les faits escamotés

Jusqu’ici, le lecteur se dit donc que l’Assemblée nationale a déroulé le tapis rouge à Moustapha Ba.

Pourtant, il suffit de voir le journal Yoor-Yoor pour que la perspective change. « Tirs groupés à l’Assemblée nationale : Les députés de l’opposition dézinguent Moustapha Ba », mentionne en appel, ce quotidien proche du Pastef. On aurait pensé que c’est un journal d’opposition qui cherche à mettre du sable dans le couscous.

Pourtant, même le journal EnQuête qui cherche à vendre l’image de Moustapha Ba mentionne ce fait. Si à la Une Enquête indique que le ministre est resté ‘’droit dans ses chiffres’’, le quotidien de Mahmoudou Wane n’en mentionne pas moins une atmosphère souvent tendue. « Le débat a été vif, parfois virulent, lors du vote du budget du ministère des Finances et du Budget », reconnaît le journal.

La différence des ces Unes amène à questionner le rôle que s’est donnée la presse au Sénégal en 2023. Tant qu’il s’agit d’opinion, chacun peut avoir la sienne. Mais lorsqu’il s’agit des faits, ils sont censés être sacrés et doivent par conséquent garder leur sacralité. Si les débats ont été vifs, Moustapha Ba dézingué, comme le soulignent certains quotidiens, d’autres journaux ont le devoir moral de ne pas escamoter les faits pour faire plaisir à un ministre, fut-il Moustapha Ba, le chouchou des médias.

Le Témoin à l’image de l’Évidence

« La presse est la voix de la vérité », disait Jules Ferry. Ainsi, le contrat qui lie le journaliste à son lecteur, le lien qu’il y a entre le média et son public, c’est le devoir de vérité, c’est cette fidélité aux faits qui justifie la confiance que le premier accorde au second. En torpillant les faits, la presse rompt cette relation de confiance.

Il y a juste quelques jours, le Cored a organisé un cas d’école où la question était de savoir si la presse doit être une simple caisse de résonance. Le constat était hélas que les médias le deviennent de plus en plus.

Ces Unes de L’As, Le Témoin et Les Échos sont d’autant plus regrettables que ces journaux supposés sérieux viennent pêcher sur le terrain d’autres ‘’journaux’’ surnommés la nouvelle racaille. Voir un journal historique comme le Témoin avoir la même Une que L’Exclusif (Le maestria d’un grand orateur) ou l’Evidence (Mamadou Moustapha Ba séduit l’hémicycle) est la preuve que la presse est tombée bien bas et continue de l’être de jour en jour.

Le doyen Ass Mademba Ndiaye affirme souvent qu’il n’est pas d’accord qu’on dise que la presse était meilleure avant. Il a certainement raison, puisque aujourd’hui comme hier, chaque journal a ses chouchous et ses intouchables. Mais il reconnaîtra au moins que les compromis et petites faveurs étaient autrefois beaucoup plus subtils.

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