Membre du front national de résistance et secrétaire général d’And Jëf, Mamadou Diop Decroix a été, ce samedi, l’invité du Grand Oral. Sur les ondes de la 97.5 Rewmi FM, il est revenu, entre autres, sur la marche de l’opposition, le processus électoral, l’affaire Karim Wade. Morceaux choisis.
L’objectif de la marche du front national de résistance a-t-il été atteint ?
L’objectif visé a été largement atteint. Tant du point de vue de la mobilisation que de la massivité de cette manifestation. La presse a même indiqué que le défi de la mobilisation a été relevé. J’en profite pour remercier toutes les personnes qui sont venues à cette manifestation. Ça a été une réussite aussi du point de vue du contenu puisque les pancartes ont porté l’essentiel des préoccupations des Sénégalais. Pas seulement les préoccupations démocratiques comme les candidatures de Karim Wade et de Khalifa Sall, mais également les préoccupations des Sénégalais comme l’eau qui manque, l’emploi, etc. Même les revendications de type patriotique économique. Je félicite les journalistes qui ont eu à interviewer des gens qui ont dit qu’ils ne sont d’aucun bord. Ils ont dit on soutient parce qu’on estime que leur position est juste et légitime.
Êtes-vous d’avis avec Guirassy quand il dit que le Président Sall a «acheté» tous les responsables de l’opposition ?
Je ne sais pas ce qu’il voulait dire par là, mais je peux vous dire qu’il y a des gens qui se disent de l’opposition mais qui ne sont pas de l’opposition. Ceux-là ne sont pas du front d’ailleurs et quand Macky Sall appelle, ils y répondent en tant que non-alignés. Donc l’opposition à Macky Sall, c’est l’opposition de Macky Sall. Oui Macky Sall a une opposition, c’est peut-être ça qu’il a voulu dire.
Que pensez-vous de la proposition de Serigne Moustapha Djamil d’aller vers une candidature unique de l’opposition ?
Je vais parler avec mon ami et marabout Serigne Moustapha Sy Djamil. Dans l’histoire politique sénégalaise récente, les alternances pacifiques et démocratiques qu’on a eues ne sont pas opérées sur le mode de candidature unique. Ce mode est mauvais. D’abord il est absolument impossible. Ensuite même s’il était possible, il n’est pas souhaitable parce que l’élection présidentielle, contrairement à l’élection législative, est une élection à deux tours et là-dessus, j’aimerais que vous me laissiez clarifier un tout petit peu car les Sénégalais font souvent la confusion entre les types d’élection. Aux élections législatives, c’est le « raw gadou ». C’est à un tour et celui qui arrive en tête prend tous les sièges. C’est pourquoi ceux qui dirigent actuellement le pays ont financé des gens 15 millions pour des gens qui n’avaient pas auparavant le billet pour se rendre à Pikine. Ils ont eu 15 millions à déposer comme caution et peut être qu’on a donné 20-25 millions à chacun pour qu’ils se présentent. L’idée était d’éclater l’électorat pour pouvoir avec 34% et gagner. Dans le suffrage universel aujourd’hui, la majorité qui est à l’Assemblée ne pèse que 49% alors que l’opposition pèse 51%. Si c’était une élection présidentielle, c’était le 2e tour. Maintenant l’élection présidentielle est une élection à deux tours. Si personne n’obtient 50% plus une voix, on va au 2e tour et le régime ne veut pas de ça. Autant aux législatives il voulait des listes fractionnées, nombreuses, donc il a payé pour ça, autant ici il faut des candidats resserrés parce que sinon, c’est le risque du 2e tour. Donc, on sort la loi sur le parrainage pour restreindre les candidats. Donc l’intérêt de Macky c’est que les candidats soient le plus restreint possible. Si Moustapha Sy Djamil dit qu’il veut une candidature unique, je dis que c’est impossible et même s’il était possible, ce n’est pas une bonne idée. Si nous avons des candidats différents, chaque candidat fera le plein de ses voix.
C’est quoi le problème avec le processus électoral ?
Le processus électoral commence avec les inscriptions. On met en place des commissions d’inscription et on garde les méthodes qu’on utilisait depuis 30 ou 40 ans. Ces commissions-là ont des règles pour fonctionner, mais ils ne l’appliquent pas. Mon frère Aly Ngouille Ndiaye a dit qu’on va se débrouiller pour que leurs militants s’inscrivent. La preuve, ils se sont débrouillés pour donner des cartes à leurs militants. Les gens de l’opposition ou les gens dont ils n’étaient pas sûrs du bord électoral n’ont pas reçu leurs cartes. On se rappelle de ce qu’il s’était passé à Touba (…). On ne va pas laisser encore cette affaire se passer en 2019. Non, c’est impossible. Que le régime recule ou pas, ce n’est pas important. Le plus important, c’est le sacrifice que nous allons faire pour que ce pays continue de connaître des élections libres et démocratiques, sincères. Pour nous, c’est un combat à mener jusqu’à la victoire. Est-ce que le peuple sénégalais va laisser le régime de Macky Sall changer les règles du jeu parce qu’il pense avoir la force publique jusqu’au moment où la violence va éclater dans le pays ? Est-ce que ça on va le laisser faire ? Non, on ne doit pas le laisser faire. Monsier Sall, vous avez été élu sur la base de règles très précises, consensuelles et acceptées. Si vous voulez changer les règles, vous devez le faire en rapport avec votre opposition. Vous ne pouvez pas le faire par la force et si vous le faites par la force et que le pays s’installe dans la violence, c’est vous qui serez responsable. Voilà le discours que les uns et les autres vont lui tenir.
Concernant l’affaire Karim Wade, y a-t-il un combat particulier après le rejet de son inscription sur les listes électorales ?
C’est un combat de principe. Tout le monde se bat aujourd’hui et Macky Sall, s’il a pu être élu aujourd’hui, c’est parce que quelque part, l’opinion publique a pensé qu’il a été victime. Aujourd’hui, il fait la même chose pour Karim Wade, la même chose pour Khalifa Sall. Quand il était dans l’opposition et qu’il a été agressé quelque part, je me suis élevé alors que j’étais ministre de Wade contre cela publiquement. C’est cette bataille de principe que je continue aujourd’hui. Il n’y a aucune raison que Karim Wade soit exclu. Il a été condamné par une juridiction d’exception qui n’existe qu’au Sénégal. La preuve, partout dans le monde où ils sont allés pour mettre en pratique et exécuter l’arrêt de la Crei, les gens les ont envoyés promener au motif que ce tribunal-là, nous ne le reconnaissons pas. Voilà des compatriotes qui sont au gouvernement aujourd’hui, moi je me demande où est-ce qu’ils vont nous mener ? Et je vous dis que les dés ne sont pas encore pipés pour Karim Wade. Sur ce point, je suis en désaccord total avec certains Sénégalais qui sont sur des positions défaitistes, des positions de lâcheté à la limite. Ils disent que le gouvernement l’a décidé, donc ça y est. Ce n’est pas vrai. Nous continuerons de faire face et même quand Macky dira que je suis élu, il ne gouvernera pas ce pays dans la paix et dans la tranquillité. Je vous ai dit qu’on est en crise politique majeure dans ce pays. L’opposition refuse ce que le régime veut faire par la force.