Les femmes, cibles de la réforme de santé de Donald Trump

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Un amendement rajouté au projet de loi remplaçant l’Obamacare fait débat aux Etats-Unis : il permet à nouveau aux assurances privées de considérer des maladies préexistantes comme un refus de couverture. Seulement, dans le passé, certains assureurs ont inclus dans ces termes le fait d’avoir été victime d’un viol, de violences conjugales ou de dépression post-partum.

Jeudi, le président Donald Trump a enregistré une victoire majeure en faisant adopter au Congrès son projet de loi sur l’American Health Care Act, plus d’un mois après un échec cuisant. Mais en abrogeant l’Obamacare, les élus font un pas en arrière et redonnent la possibilité, aux entreprises privées en charge de la couverture de santé, de justifier  un refus ou l’augmentation des frais en raison de «maladies préexistantes». Cette possibilité avait été initialement retirée du projet de l’AHCA, mais a finalement été ajoutée grâce à un amendement de Tom MacArthur et Mark Meadows, deux élus du New Jersey et de Caroline du Nord. Certains Etats avaient d’ores et déjà interdit cette pratique, mais elle ne l’est pas à l’échelle du pays.

Maladies chroniques, cancers ou encore acné font partie des conditions qui peuvent être prises en compte par les entreprises. Mais certaines pourraient revenir à des pratiques bien plus controversées : prendre en compte le viol, le fait d’avoir été victime de violences conjugales ou d’avoir souffert d’une dépression post-partum voire d’une césarienne, comme des antécédents médicaux.

L’élu démocrate Bob Casey, interrogé sur le sujet, a confirmé que c’était une possibilité à propos de laquelle il avait interrogé le vice-président Mike Pence. «J’aurais dû être plus agressif et le faire réagir à ce propos. La nature même en ferait un désastre pour cette administration si elle autorisait cette politique à changer, et cela basculerait dans un “Laissons les Etats s’en occuper” qui serait mauvais et mauvais moralement». Mike Pence, lui, a simplement assuré que les victimes ne devraient pas avoir à payer de surplus, sans donner de garantie pour que cela n’arrive pas.

Violée ou battue, et privée d’assurance maladie

Un exemple de cette discrimination est donné par Gina Scaramella, la directrice d’une organisation de Boston venant en aide aux victimes de viol, qui a alerté face à cette possibilité dans une tribune publiée sur The Hill. Une femme de 45 ans, violée par deux hommes qui avaient drogué son verre dans un bar en Floride, s’était vue refuser l’accès à une couverture sociale par une entreprise au motif qu’elle avait bénéficié de soins liés à cette agression –son médecin lui avait prescrit un traitement antiviral pour diminuer les risques de contamination du VIH. Elle n’a donc pas été protégée pendant trois ans. En 2007, expliquait le «New York Times» trois ans plus tard, une quadragénaire s’était vue refuser l’assurance maladie qu’elle souhaitait souscrire avec son mari et leurs deux enfants car elle avait accouché par césarienne. Il aurait fallu qu’elle soit «stérilisée» pour être acceptée, avait-elle reçu comme réponse.

Jody Neal-Post, victime de violences conjugales commises par son ex-mari, avait vécu une situation similaire : en 2002, son mari avait tenté de l’étrangler. L’agression avait été si violente, raconte CNN, que les empreintes digitales de l’homme avaient été retrouvées sur le cou de Jody Neal-Post. Victime d’une commotion cérébrale et traumatisée, elle avait pris pendant six mois des antidépresseurs pour réussir à s’endormir : «Je voyais son regard quand je fermais les yeux, je le revoyais en train de m’étrangler comme si j’essayais à nouveau de m’échapper.» Pour évacuer son traumatisme, elle avait également suivi une thérapie grâce à un programme dédié aux victimes comme elle.

Mais lorsqu’elle a voulu changer de mutuelle, quatre ans plus tard, cela lui avait été refusé. Elle a dû attendre l’Obamacare pour être à nouveau couverte. «Lire à propos de ce débat sur l’assurance a fait ressurgir ce souvenir de m’être battue pour cela, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps», a-t-elle expliqué.

“Trouver un équilibre” en faveur de “ceux qui mènent une bonne vie”

En vertu de cette loi, au moins 24 millions d’Américains perdront leur couverture sociale d’ici à 2026, notamment en raison de la baisse des dotations allouées à Medicaid, le programme national qui permet aux personnes à faible revenu de bénéficier d’une assurance maladie. Mais le chiffre pourrait être encore plus important car le projet de loi adopté jeudi n’a pas encore été chiffré précisément. Avant d’être mis en application, ce projet de loi -qui exonère pourtant les élus de la Chambre des représentants et leurs équipes- devra tout de même être examiné par le Sénat.

Le représentant Mo Brooks a défendu ceci à l’antenne de CNN : «Le projet de loi autorise les compagnies d’assurance à demander des gens qui coûtent plus cher en protection à contribuer davantage aux frais d’assurance afin au final de réduire les frais pour ceux qui mènent une bonne vie, qui sont en bonne santé, qui ont tout fait pour garder leur corps sain. Et maintenant ce sont les gens qui ont tout fait bien qui voient leurs coûts augmenter.» Et l’élu de l’Alabama d’appeler à «trouver un équilibre» pour ceux qui ont une maladie préexistante «qui n’est pas de leur faute».

Le projet de loi prévoit également qu’une femme ne puisse souscrire à une couverture santé couvrant une interruption volontaire de grossesse en utilisant des crédits d’impôts décrétés pour payer la dite couverture. Impossible également pour les personnes bénéficiant du Medicaid de se faire rembourser de frais avancés pour le Planning familial. Une mesure qui complète celle prise, discrètement, par Donald Trump et qui interdit l’utilisation de fonds publics pour financer des avortements.

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