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En Afrique du Sud, colère et misère dans le « hostel », le foyer des femmes d’Alexandra

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Cette fois, elle est en colère. Violet serre les pans de son manteau gris comme pour étreindre quelque chose, faute de cou à étrangler, et jette un œil sombre sur le téléphone éteint, posé sur la table de son petit appartement. Hier soir, à cause de l’obscurité dans les couloirs, elle a trébuché sur un seau rempli d’eau ou d’autre chose, évité la chute mais laissé tomber son précieux smartphone avec lequel elle s’éclairait. L’appareil a atterri dans le seau, et ne fonctionne plus.

En acheter un autre ? La question, pour l’heure, ne se pose même pas. Violet Mfobo a peut-être 76 ans, mais elle ne s’habituera jamais à ce qui fait son quotidien dans le hostel des femmes d’Alexandra, le foyer prévu pour 2 875 personnes et où plus de 3 500 femmes et enfants vivent dans un univers dans lequel rien ne semble jamais fonctionner : ampoules volées, branchements électriques sauvages, égouts qui refluent, eau polluée, vie impossible. « Mais laissez-moi vous montrer dans quoi nous vivons », dit-elle, et déjà elle trotte sur ses élégantes bottes de daim.

Le signe de l’échec du présent

Devant la grande porte de ce bâtiment construit en 1972, il y a un induna (« responsable », « chef »). Il prétend mettre en application l’interdiction de pénétrer dans l’enceinte de l’immense structure, qui ressemble à un établissement pénitentiaire. Violet fait un geste de la main et l’homme s’évanouit.

Ici, s’ouvre son domaine. Des cours avec du linge, des voitures, abandonnées ou pas ; des murs sales et tristes, aux carreaux cassés. Il tombe une lumière drue d’hiver austral, qui rend chaque détail plus cruel. En contrebas, au pied d’un escalier où les enfants chantent et dansent sur les marches cassées, s’étend une mare infecte, tout droit sortie d’un égout percé.

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Un des garçons du voisinage, dont les pupilles comme des têtes d’épingle et le discours exagérément enthousiaste témoignent d’un recours à des substances illicites, vient défendre un grandiloquent projet de rénovation. En réalité, du plan de 1,7 milliard de rands (85 millions d’euros) dont tout le quartier avoisinant, Alexandra, devait bénéficier, on serait bien en peine de trouver les traces. Dans ce township où vivent plusieurs centaines de milliers de personnes, le foyer de femmes, désormais rebaptisé Helen Joseph, est à la fois le souvenir d’un passé douloureux et le signe de l’échec du présent.

« Ma sœur est morte la semaine dernière, et personne ne veut reconnaître qu’elle avait le Covid-19 malgré tous les symptômes », Thebogo, la trentaine

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