Editorial: « C’est inadmissible », avez-vous dit, Monsieur le Ministre ?

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Le « politiquement correct » est l’un des prétextes qu’utilisent nos « politiques » pour mieux exister. Si en France, les inégalités scolaires étaient inhérentes aux origines sociales et à la durée des études (Lionel Page), au Sénégal, celles-ci sont causées par plusieurs facteurs. Effectifs pléthoriques des classes, des milliers d’abris provisoires, la non effectivité des textes et engagements, la vétusté des moyens…sont autant de cas qui accentuent les maux dont souffrent une bonne partie des acteurs de l’éducation. À ces éléments s’ajoute, la problématique de la fracture numérique qui nous stagne dans un système médiéval. « Le parc internet au 30 juin 2018 était de 8,7 millions d’utilisateurs » dira Macky SALL à la 117ème page de son ouvrage intitulé « le Sénégal au cœur » (Cherche_midi, 2019). Et pourtant, le ministre de l’éducation national Mamadou Talla trouve inadmissible que les parents, les enseignants pensent que l’éducation se passe entre 4 murs. Contradiction ? Méconnaissance de son secteur ? Politique ? À quelle fin M. Le Ministre ? Vous trouverez les réponses dans cet article écrit par des acteurs et de surcroît témoins oculaires des réalités du terrain.

 

« C’est inadmissible », avez-vous dit, Monsieur le Ministre ?

Répondant aux questions de Mamadou Ibra KANE dans l’émission «  le jury du dimanche » ce 12 avril sur iRadio, le ministre de l’éducation nationale Mamadou TALLA a dit : « il est inadmissible, dans ce 21ème siècle, que les parents, les enfants ou les enseignants croient que l’enseignement et l’éducation ne peuvent se faire qu’ entre quatre murs. C’est fini ça ! On aura l’école traditionnelle. Mais on aura également l’enseignement à distance pour les élèves qui veulent être formés ».

Cette intervention bien qu’idyllique montre encore une fois de plus une certaine irresponsabilité de nos responsables qui, au moins, nous permet de lever un équivoque : ils n’en savent pas grande chose et leur communication est à refaire.

En effet, c’est avec beaucoup de désolation que nous digérons ces propos qui somme toute sont « inadmissibles ».

Il est « inadmissible » que le ministre de l’éducation implique les enseignants dans cette croyance. Eux qui savent l’importance des activités extramuros et y consacrent beaucoup de leur temps et non moins de leur énergie.

Inadmissible pour lui de ne pas savoir que depuis le début des années 1960, le Sénégal avait souscrit à un projet pilote de radio et télévision éducative de l’UNESCO et que cet enseignement traditionnel- surtout au stade où on en est- n’est en rien une exclusivité du 21éme siècle.

Ce qui est vraiment inadmissible c’est que « les parents, les enfants ou les enseignants » ne soient pas habitués à cette dynamique et qu’en 2020 il aurait fallu attendre cette crise sanitaire pour ressusciter d’entre les morts cette méthode. Qui comme beaucoup d’autres telle la formation professionnelle gagneraient à être rendues effective dans notre système éducatif pour répondre convenablement aux défis de ce siècle au lieu de servir de robe et de trousse de maquillage à des discours bureaucratiques et pas moins bornés et ignorants, ce, depuis la toute première loi d’orientation et le fameux discours de Thiés.

Et par-dessus tout, il est inadmissible qu’en ce 21éme siècle, dans la région de Dakar- et ne parlons pas de l’intérieur du pays- qu’il y ait encore et toujours des abris provisoires ; que les conditions d’ « enseignement entre quatre murs » laissent autant à désirer que la formation à distance ne soit que pour ceux qui « veulent être formés» , non à tous et que son effectivité et son efficience ne sont pas sans laisser un doute avisé et sérieux.

C’est vraiment inadmissible, 60 ans après les indépendances, que 54 pour cent des sénégalais soient analphabètes.

Nos pensées vont à l’endroit de ces milliers d’enfants enfoncés dans les bourbiers obscures de l’analphabétisme.

Nous compatissons aux peines de ces jeunes âmes dont la soif de savoir ne peut pas être satisfaite par un Etat qui ne peut même pas leur garantir le droit fondamental d’aller à l’école. C’est inadmissible, soixante années après les indépendances, de voir toujours des contrées où il n’y a point d’écoles.

Et pourtant le législateur est clair : […]《L’Education Nationale, au sens de la présente loi, tend: à préparer les conditions d’un développement intégral, assumé par la nation toute entière: elle a pour but de former des hommes et des femmes capables de travailler efficacement à la construction du pays; elle porte un intérêt particulier aux problèmes économiques, sociaux et culturels rencontrés par le Sénégal dans son effort de développement et elle garde un souci constant de mettre les formations qu’elle dispense en relation avec ces problèmes et leurs solutions》EXTRAIT LOI D’ORIENTATION N° 91.22 DU 16/2/91…

Il y’a donc un fossé énorme entre les intentions déclarées et les démarches adoptées pour la réalisation de ces déclarations de politiques et, c’est vraiment inadmissible, monsieur le ministre.

Inadmissible que la région de kaffrine compte à elle seule 500 classes multigrades et qu’un seul enseignant puisse tenir à lui seul 80 élèves dans une classe.

Inadmissible en ce troisième millénaire que les leçons soient uniquement préparées sur des fiches physiques…

Il est tout autant inadmissible que l’autorité ne veille pas à l’encadrement des cours radiodiffusés et télévisés au point que premièrement ceux qui doivent les faire ne les font pas et que deuxièmement les contenus ne sont soumis à aucun contrôle a priori pour juger de l’exhaustivité mais aussi de l’exactitude des contenus proposés.

À l’heure de l’APC, les enseignants et les élèves travaillent dans des conditions épouvantables, et c’est vraiment inadmissible, monsieur le ministre…

Les fous

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