Séparant le centre et l’est de l’Ukraine, Dniepr ou Dnipro est l’une d’elles. L’heure est à la mobilisation pour contenir un éventuel assaut des forces russes. Cette éventualité a décidé l’étudiant I. Nd. à quitter la ville. « Nous avons entendu une forte déflagration. Je me rappelle que c’était un matin. Entre 6 h et 7 h. je me suis réveillé pour prier mais lorsque j’ai entendu une explosion, je n’ai plus refermé l’œil », se remémore le ressortissant sénégalais.
De la Médecine au Génie informatique
Après son Bac obtenu en 2016, il n’a pas terminé sa première année à la Faculté de médecine de l’Université Cheikh Anta Diop surtout qu’il avait l’opportunité de fourbir son bagage intellectuel en Ukraine. « C’était très difficile pour moi à Dakar. Je rentrais chaque jour vers 22 heures. Donc, je me suis dit que je ne pourrai pas étudier dans ces conditions », explique-t-il.
Accepté à l’Université technique de Dnipro, à plus de 5000 kilomètres de son Sénégal natal, I. Nd change complètement de filière. Étudiant en Génie informatique, il devait soutenir dans 4 ou 5 mois.
« J’ai entendu une explosion, je ne me suis plus rendormi »
Mais le cours normal des choses est interrompu par la décision du Kremlin de « dénazifier » l’Ukraine. Pour I. Nd, les choses n’allaient pas durer. Il changera d’avis lorsque les bombardements se sont intensifiés le lendemain même si Dnipro n’était pas la cible.
C’était le sauve qui peut…
Dans sa résidence d’étudiants, c’était le sauve qui peut. Chacun cherchait à retirer le maximum de cash. « Le bruit courait comme quoi les banques allaient fermer », se rappelle le jeune sénégalais. C’est sur ces entrefaites que l’idée de partir pendant qu’il est temps a germé dans son esprit. Avec d’autres sénégalais et des gambiens, ils prennent un train pour Lviv qui se trouve dans l’est du pays, à la frontière avec la Pologne. « C’est un voyage de 17 heures de temps que nous avons fait », reconstitue-t-il sa « fugue ». Arrivés avec ses camarades d’infortune à la frontière, ils sont passés sans grande difficulté en Pologne. « Mais au moment de monter dans le train, la priorité était quand même donnée aux femmes et aux enfants ukrainiens », avoue I. Nd.
L’étudiant affirme avoir poursuivi son voyage « puisqu’en Pologne, je n’avais aucune connaissance ». Il a dû parcourir près de 600 kilomètres supplémentaires pour trouver réconfort auprès d’un parent, à Potsdam, à une heure de temps de Berlin, en Allemagne. « Là, je réalise que j’ai vraiment eu beaucoup de chance. Échapper à cette guerre n’est pas donné à tout le monde. Je pense à un étudiant indien qui est resté et d’un autre ressortissant gambien qui ne peut laisser derrière lui sa femme ukrainienne et son enfant », soupire-t-il.
« Aller combattre en Ukraine ? Ce n’est pas une bonne idée ! »
En Allemagne où il reprend son souffle, l’étudiant sénégalais commente la volonté de certains de ses compatriotes de rejoindre la Légion internationale de défense territoriale d’Ukraine. « Ce n’est pas une bonne idée », tente-t-il de les dissuader. Selon celui qui a fait presque cinq ans dans ce pays d’Europe de l’est, ces « légionnaires » doivent être retenus par leur entourage. En même temps, il comprend « le désespoir qui peut animer certains jeunes à prendre des chemins sinueux ». « Mais il y a beaucoup de risques », prévient-il.
Pour ce qui le concerne, I. Nd. attend que les choses se calment pour retourner en Ukraine terminer ce qu’il a commencé. « Après, je tourne la page ukrainienne car rien ne sera plus comme avant dans ce pays », décrète-t-il.