DAKAR DEM DIKK : Sur les traces de la coalition des fraudeurs

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Les quelques éléments du rapport d’audit du cabinet Bsc que nous avions dévoilés ne sont que la face visible de l’iceberg. Les auditeurs ont relevé d’autres faits assez graves à Dakar Dem Dikk où le Directeur technique et le Directeur financier se sont livrés à des actes scandaleux pendant qu’une coalition frauduleuse de fournisseurs régnait sur les Demandes de renseignement et de prix (Drp).


  À la suite des révélations de Libération sur les rapports d’audit de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), le Directeur général de Dakar Dem Dikk (DDD) a organisé une conférence de presse- relayée dans notre dernière édition dans laquelle il tentait de dédouaner sa structure.
Le problème est que le patron de DDD n’a abordé en réalité que ce que les auditeurs ont qualifié “d’observations générales”. Comme nous l’écrivions, les auditeurs ont dénoncé le fait que plusieurs contrats ont été signés par le Directeur Technique, le Directeur Administratif et Financier ou le Directeur des Ressources Humaines alors que ces responsables n’ont pas reçu d’habilitation formelle du Directeur Général de DDD les nommant personnes responsables des marchés pour des catégories et des montants déterminés de marchés conformément à l’article 27 du Code des marchés publics (CMP).
Ensuite, les auditeurs ont signalé que les attestations d’existence des crédits sont délivrées par le Directeur Administratif et Financier qui n’a pas, non plus, reçu d’habilitation formelle à cet effet. Le problème est qu’il n’y a pas que cela dans le rapport dont Libération a pris connaissance. De sérieux problèmes ont été signalés dans l’exécution de plusieurs marchés.
En effet, l’examen des procédures de Demandes de Renseignements et de Prix à Compétition Restreinte (Depuis) a permis d’identifier sur les cinq procédures constitutives de l’échantillon-test de DRP-CR des indices de collusion pour un montant total estimé à 129 291 714F CFA en violation du principe de transparence (points 2.c à 2.g ci- après).

Collision frauduleuse autour de 129, 2 millions de FCFA

Selon nos informations, l’examen de la procédure d’appel d’offres ouvert pour la fourniture de pneumatiques et de batteries attribuée aux ETS PAD (Lot N°1 – Min 18 106 400 Max 193 024 000FCFA) et à SETS (LotN°2-Min7 437540Max47876140FCFA)a permis de noter qu’au regard de la date de publication de l’Avis d’Appel Offres (9 juin 2015) et de la date limite de dépôt des offres (9 juillet 2015), les soumissionnaires disposent d’un délai de 29 jours pour préparer leurs offres, ce qui n’est pas conforme au délai règlementaire de 30 jours fixé par l’article 63 du Cmp. “Sous ce rapport, il convient de préciser que pour la computation de ce délai de 30 jours calendaires qui est aussi un délai franc, l’Agent comptable (Ac) ne doit pas tenir compte du jour de publication et du jour de l’échéance.
Le non-respect du délai de préparation des offres peut entraîner l’annulation de la procédure à la requête de toute personne intéressée à son bon déroulement” selon les vérificateurs. Qui ajoutent : “nous avons noté que quand bien même les dates limites de validité des garanties de soumission produites par les soumissionnaires ETS MALEYE (DLV 9 octobre 2015) et COPADEx (DLV 01/11/2105) ne sont pas conformes aux exigences du Dossier d’appel d’offres (Dao) qui requiert une durée de validité de 28 jours, à compter de l’expiration de la durée de validité des offres de 90 jours, leurs offres ont été admises pour examen détaillé. Il s’agit d’une violation de l’article 44 du CMP qui dispose que « le défaut de fournir la garantie de soumission à l’ouverture des plis entraîne le rejet de l’offre, notamment la fourniture d’une garantie de soumission non conforme. »
La Commission d’Evaluation n’aurait pas dû examiner les offres dans un délai anormalement long de 60 jours s’est écoulé entre la date d’obtention de l’avis de non-objection de la DCMP sur le DAO (9 avril 2015) et la publication de l’Avis d’Appel d’Offres (9 juin 2015). La célérité dans la mise en œuvre des différentes étapes du processus d’acquisition est un indicateur d’efficacité de l’acheteur public”, d’après le rapport.
Pire, les travaux d’évaluation des offres ont été effectués et le rap- port d’évaluation établi 21 jours après la date d’ouverture des plis. Le délai imparti à la Commission des Marchés pour effectuer ces travaux est de 15 jours aux termes de l’article 70 du CMP. Ce délai de 15 jours peut être prorogé de 10 jours sur demande motivée de l’Autorité Contractante adressée à la DCMP. Aucune requête à cet effet, n’a été formulée par la Personne Responsable des Marchés en violation des dispositions de l’article 70 du CMP.
Ensuite, des corrections ont été apportées sur les montants des offres de plusieurs soumissionnaires pour y intégrer la TVA alors qu’au vu du procès-verbal d’ouverture les montants lus à haute voix et consignés dans ledit Pv sont des montants TTC et inscrits comme tels dans le PV qui ne doit subir aucune modification ; il s’y ajoute qu’en l’absence de précision dans une offre, le montant proposé est réputé TTC.

Des offres de fournisseurs retouchées

Ainsi, la demande de clarification adressée aux ETS FADEL relative- ment à la nature de son prix n’avait par conséquent pas sa rai- son d’être et le courrier rectificatif n’aurait pas non plus dû être pris en compte pour l’évaluation. Il y’a une violation du principe d’intangibilité des offres (violation de l’article 69 du CMP) et une rupture du principe d’égalité de traitement des candidats car les offres des candidats LASA et GIE BAOL PIECES exprimées HT ont bien été maintenues HT pendant qu’une demande de clarification a été transmise aux ETS FADEL.
Mieux, le dossier de marché ne comprend pas de justificatif de la publication d’un avis d’attribution définitive conformément à l’article 86 du CMP. La non-publication d’un avis d’attribution définitive a pour effet d’allonger le délai de saisine du juge à six mois à compter du lendemain de la signature du contrat pour un référé contractuel et rend le contrat attaquable sans limitation de durée pour un re- cours de plein contentieux en annulation du contrat. Il est donc fortement recommandé de se conformer à l’obligation de publicité de l’avis d’attribution définitive qui réduit le délai de saisine du juge à 31 jours pour un référé contractuel et à deux mois pour un re- cours de plein contentieux.
Plus grave, la contrat a été enregistré le 19 octobre 2015 alors que la lettre de notification dudit contrat est datée du 21 octobre 2015. Il s’agit d’une situation anormale car le contrat ne peut être soumis à l’enregistrement avant sa notification au titulaire.
Ceci n’est pas conforme à l’article 464.9 du CGI qui stipule que : « Toutefois, le délai pour l’enregistrement des marchés assujettis, avant de recevoir exécution, à l’approbation de l’autorité supérieure, ne prendra cours qu’à compter de la date de notification de cette approbation à la personne qui doit acquitter les droits…

Nsia au cœur d’un contrat scandaleux

L’examen de la procédure d’appel d’offres ouvert pour la fourniture de tickets de transport en deux lots attribué à SODIC (Lot N°1–Min 44368000 Max 62422 000 F CFA) et (Lot N°2- Min 1 062 000Max36580000FCFA) a permis de noter que les travaux d’évaluation des offres ont été effectués et le rapport d’évaluation établi 21 jours après la date d’ouverture des plis. Le délai imparti à la Commission des Marchés pour effectuer ses travaux est en principe de 15 jours aux termes de l’article 70 du Code. Ce délai de 15 jours peut être prorogé de 10 jours sur demande motivée de l’AC adressée à la DCMP.
Aucune requête à cet effet n’a été formulée par la Personne Responsable des Marchés en violation des dis- positions de l’article 70 du Code. L’examen de l’avenant de reconduction de la police d’assurance maladie du personnel au profit de NSIA pour un montant de 33 304 787 F CFA F CFA révèle que l’attestation d’existence de crédits produite, le 11 Novembre 2015, est postérieure à la signature de l’avenant intervenue le 7 octobre 2015.
“Nous précisons qu’aux termes de l’article 9 du Code, au cours de la phase de préparation des marchés, l’autorité contractante doit évaluer le montant estimé des fournitures, services ou travaux, objet du marché et s’assurer de l’existence de crédits budgétaires suffisants et préalables. Il s’y ajoute que l’Attestation de crédit a été signée par le Directeur financier dans l’illégalité totale. Pour le même marché, la date d’effet du contrat, modifiée à la demande de la DCMP ne correspond pas à celle qui est mentionnée dans la police d’assurance qui a été dûment enregistrée. Les retards dans la mise en œuvre du processus devant mener à la reconduction du contrat ne doivent pas entrainer l’inscription d’informations ne reflétant pas la réalité de l’exécution du contrat car la couverture des risques n’a pas cessé pendant cette période de latence. Encore que renouvellement du marché par avenant n’était pas prévu dans le Dossier d’appel d’offres ; la reconduction a été faite sur la seule base de la clause de reconduction tacite insérée dans la police d’assurance.
La demande la procédure de Demande de renseignement de prix (Depuis) portant sélection d’un prestataire pour la fourniture de matériels et mobiliers de bureau attribué à DAROU SALAM DOUYOLY pour un montant de 28 991 125 F CFA TTC a permis de noter les pièces requises aux termes de l’article 44 du Code pour avoir accès aux marchés publics n’ont pas été demandées dans le Dossier qui ne précise pas non plus la durée de validité des offres.
La lettre de soumission des ETABLISSEMENTS ADAMA NEGOCE n’est pas signée par un représentant habilité ; en l’absence de lettre de soumission dûment signée par un représentant per- sonne habilitée, il n’y a pas d’offre et cette dernière n’aurait pas dû être admise pour examen détaillé.
L’examen des offres des soumissionnaires a permis de noter qu’elles comportent toutes au niveau de l’article N°16 qui porte sur 10 ventilateurs dans la DRP, la même mention : « ventilateurs dont (15) de type mural » avec toujours la quantité de 10 de- mandée dans le cadre de devis quantitatif estimatif annexé au Dossier ; il s’y ajoute qu’en lieu et place de l’appareil numérique Canon EOS 5D requis dans la DRP, tous les soumissionnaires ont fait la même erreur sur la dénomination de l’article en mettant BOS en lieu et place de EOS. La similitude de la présentation des factures pro-forma laisse entrevoir qu’elles proviennent de la même source ou de sources liées laissant subsister une incertitude sur la transparence de la procédure.

Des fournisseurs aux pratiques mafieuses

L’examen de la procédure de DRP portant sélection d’un prestataire pour la fourniture de divers imprimés attribuée à GUEDJ SERVICES PLUS pour un montant de 29 762 550 F CFA TTC a per- mis de noter que la lettre de saisine des candidats short-listés porte les traces d’une modification de sa date d’émission qui passe du 17 mars 2015 au 10 mars 2015.
A l’exception d’une copie déchargée à la date du 10 mars 2015 par SERVICES PLUS, tous les autres candidats ont juste apposé leur cachet sans mentionner la date effective de réception de la lettre.
Ces modifications et omissions sont généralement les signes d’une opération de régularisation d’autant plus que les cinq lettres de saisine portent le même numéro. Il s’y ajoute que l’examen des offres des soumissionnaires YERIM ANTA SECK, MAFOPRES, IPROT et SERVICES PLUS a permis de noter la commission des mêmes erreurs aux mêmes endroits laissant entrevoir une collusion entre ces fournisseurs en violation du principe de transparence.

Un scandale sans fin autour des Drp

Pour le même marché, les lettres transmises aux soumissionnaires non retenus pour les informer du rejet de leurs offres ne mentionnent ni le nom de l’attributaire ni le montant auquel le marché a été attribué. Les supports de transmission des informations requises aux termes de l’article 4 de l’arrêté 00107 du 7 janvier 2015 pour la publication de l’attribution, ne sont pas non plus classés dans le dossier de marché. De plus, le contrôle de la Cellule de Passation des Marchés sur cette procédure de DRP conformément aux termes de l’article 12 de l’arrêté 00107 du MEF 7 janvier 2015 relatif aux modalités de mise en œuvre de la procédure de DRP pris en application de l’article 78 du CMP n’est pas formalisé.
L’examen de la procédure de DRP portant sélection d’un prestataire pour la fourniture de petits outillages attribuée à BAOL PYRAMIDE CONSTRUCTION pour un montant de 29 998 019 F CFA TTC a permis de noter que les copies des lettres de saisine classées dans le dossier de marché portent toutes le cachet de leurs destinataires mais pas les dates effectives de transmission.
Elles ne mentionnent pas non plus la durée de validité des offres à laquelle renvoie le point 7 du Dossier d’Appel à la Concurrence. ” Il convient de donner une date certaine à la transmission des différents documents de marché” affirment les auditeurs.
Qui ajoutent que l’examen des offres a permis de noter des signes de collusion entre les soumissionnaires. La présentation des factures pro-forma est identique aux caractères près, les mêmes erreurs ont été commises aux mêmes endroits, les mêmes espacements sont notés…
Les lettres transmises aux soumissionnaires non retenus pour les informer du rejet de leurs offres ne mentionnent pas le nom de l’attributaire et le montant auquel le marché a été attribué. Ces informations doivent être communiquées aux candidats évincés. La revue de la procédure de DRP portant sélection d’un prestataire pour la fourniture de supports de communication attribuée à AFRICA INGENIUS CONSULTING pour un montant de 29 564 900 F CFA TTC révèle que les co- pies des lettres de saisine classées dans le dossier de marché portent toutes le cachet de leurs destinataires mais pas les dates effectives de transmission. Elles ne mentionnent pas non plus la durée de validité des offres à laquelle renvoie le point 7 du Dossier d’Appel à la Concurrence.
L’examen des offres des cinq soumissionnaires (GLOBAL BUSINESS, AFRIC MEDIA, GIE LERAL, NUMERIS, AFRICA INGENIUS CONSULTING) a permis de noter des signes de collusion…Pour la procédure de DRP portant sélection d’un prestataire pour la fourniture de split attribuée à DIS- MAT pour un montant de 10 975 180 F CFA TTC l’attestation d’existence de crédits a été signée par le Directeur Financier et Comptable dont l’habilitation à cet effet n’a pas été produite.

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