Bébés morts calcinés, affaire Astou Sokhna…: Négligence, le délit le mieux partagé

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Sinistre dans les hôpitaux du Sénégal
Hasard, simple coïncidence, ou mal profond ? En tout cas au Sénégal, les scandales dans les hôpitaux s’enchaînent et se ressemblent.  L’affaire des 11 bébés décédés (bilan provisoire), cette nuit, dans un incendie à l’hôpital de Tivaouane ravive la douleur morale causée par de nombreuses tragédies ayant secoué les structures de santé, ces derniers mois.
Le moins que l’on puisse dire est que les structures de santé sénégalaises « refusent » de quitter l’espace public. Avec leur lot de scandales, elles sont toujours devant le tribunal populaire. La triste nouvelle est tombée dans la nuit de mercredi à jeudi. Onze nourrissons ont perdu la vie dans un incendie déclaré au service néonatologie de l’hôpital Mame Abdou Aziz Sy Dabakh de Tivaouane. Une tragédie qui n’a pas laissé indifférent le président de la République, Macky Sall, qui, présentement hors du pays, n’a pas manqué d’exprimer sa « douleur » et sa « peine » après avoir appris cette triste nouvelle qui continue de défrayer la chronique au Sénégal. 
 
En attendant la suite de l’enquête pour déterminer les véritables causes, ce drame rappelle celui survenu au service pédiatrique de l’hôpital Magatte Lô de Linguère, dans la région de Louga. Les faits remontent au 24 avril 2021. Ce jour-là, quatre nourrissons perdirent la vie dans un incendie provoqué par une « négligence », selon les conclusions de l’enquête menée par le Parquet de Louga. Quelques jours plus tard, les nommés Khady Seck, aide-infirmière chargée de la surveillance de la salle, Fatou Sy, Chef du Service Pédiatrie et Abdou Sarr, ex-Directeur de l’établissement (finalement limogé), furent inculpés et placés sous contrôle judiciaire pour les faits “d’homicide et de blessures involontaires » au sens des dispositions de l’article 307 du Code pénal. 
Après plus d’un an d’instruction, le juge du 2e cabinet de Louga a bouclé la procédure. Le magistrat instructeur, qui avait ouvert une information judiciaire, a d’ailleurs rendu, en avril 2022, une ordonnance de non-lieu partiel en faveur de X qui n’a pas été identifié. Mieux, le délit de blessures volontaires visé, a été requalifié en homicide involontaire après que les deux bébés ont succombé à leurs blessures. Les trois inculpés devaient être jugés en correctionnelle ce 25 mai. Ce qui n’a pas été le cas. 
Le 9 octobre 2021, la clinique des Madeleine de Dakar est plongée au cœur d’un scandale pour des faits presque similaires. Le bébé Saleh est mort des suites de « brûlures au premier degré étendues sur tout le corps avec une asphyxie secondaire due à une surchauffe et à un confinement prolongé ». Et les trois agents, le pédiatre H. J., une infirmière et l’aide-soignante, qui s’occupait du bébé lors du drame, ont été écroués. Les mis en cause sont actuellement visés pour homicide involontaire. L’enquête avait révélé la thèse d’une « négligence criminelle de la clinique », occasionnant la mort par asphyxie du bébé de sexe féminin.
L’affaire qui a le plus tenu en haleine les Sénégalais ces derniers mois, c’est bien évidemment le cas Astou Sokhna, du nom de la jeune dame morte en couches, en fin mars 2022, au service Maternité de l’Hôpital régional Amadou Sakhir Mbaye de Louga. Face à l’indignation collective, le Directeur de ladite structure, Dr. Amadou Guèye Diouf, n’avait trouvé mieux que de tenir à la supposée « non-programmation » de la défunte pour disculper ses services. Mais la plainte déposée par Modou Mboup, époux de la défunte, auprès du Procureur près le tribunal de Grande instance de Louga, n’est pas restée sans suite. En effet, au total, 6 agents ont été incriminés dans cette affaire au moment où le directeur de l’hôpital, personne morale, a été viré par le président Macky Sall. 
Mais au final, pour le sort des sages-femmes mises en cause, fortement soutenues par leurs collègues travailleurs de la santé à travers le pays, rappelons que les moins chanceuses ont écopé de 6 mois avec sursis pour « non-assistance à personne en danger », les trois autres étant purement et simplement relaxées.
Les Parquets en action 
Le 6 mai 2022, l’hôpital El Hadj Ibrahima Niasse de Kaolack prend le relai. Le bébé Souleymane Diallo, de Diary Sow et Al Hassan Ba, est déclaré mort par un agent, acheminé à la morgue, avant que l’on ne découvre qu’il était encore vivant. Malheureusement, l’enfant va succomber à sa maladie. Après un tapage médiatique, particulièrement l’article de Seneweb dans lequel les deux parents du bébé, joints par téléphone, ont fait des confidences accablantes, la direction de ladite structure a vite réagi à travers une conférence de presse. Le président de la Commission médicale d’établissement a imputé la responsabilité de ce drame à une aide-infirmière, qui a déclaré le décès du bébé sans l’avis de ses supérieurs. 
« Entre la dernière réanimation et l’évènement qui s’est produit, parce que le pédiatre était appelé pour une autre urgence, le bébé a présenté un troisième arrêt respiratoire et l’aide-infirmière, qui était la seconde du chef de garde, a pensé qu’il était décédé. Elle n’a pas demandé l’avis ni de la sage-femme, qui était chef de garde, ni du médecin, qui était occupé avec un autre patient. Elle a tout simplement rédigé l’attestation de décès et a envoyé le bébé à la morgue », s’est défendu le Dr Kalidou Ly. 
Mais le Parquet de Kaolack a semblé ne pas lâcher l’affaire. Dans un communiqué rendu public dans la soirée même, le représentant du ministère public avait indiqué qu’à la suite des faits décrits et la plainte du chef de famille, « une enquête a été aussitôt ouverte aux fins de détermination des conditions dans lesquelles l’enfant a été déclaré mort par erreur ». Dans la même veine, il ajoutait dans son document que «les investigations confiées au Commissariat central de Kaolack se poursuivent».
 
Déférée au parquet, l’aide-infirmière « fautive » avait finalement échappé à un mandat de dépôt. Ce, après que le plaignant a introduit une lettre de désistement auprès du Parquet près le Tribunal de grande instance de Kaolack. Ayant obtenu une liberté provisoire après avoir été inculpée pour « mise en danger de la vie d’autrui et usurpation de fonction de médecin », son procès prévu ce 25 mai 2022 a été renvoyé au 1er juin prochain.
Autant de scandales, en plus de ceux-là qui n’ont pas été déplacés sur la place publique, qui donnent une idée sur le triste quotidien dans certaines structures de santé.

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