Bavures policières : « Il y a de sérieux problèmes dans la formation des hommes »

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En 2001, il y a eu Balla Gaye. En 2011, Malick Bâ. En 2012, Mamadou Diop…  Et en 2018, Fallou Sène. La longue série des bavures policières inquiète les citoyens et interpelle les spécialistes. Parmi ceux-ci, le commissaire Cheikhna Keïta. Dans cet entretien avec Seneweb, il invite les forces de défense et de l’ordre à revoir leur copie.

Commissaire Keïta, les forces de l’ordre et de sécurité multiplient les bavures ces dernières années. Pourquoi ?
Il faut chercher l’explication dans beaucoup de segments : l’encadrement, l’organisation, la formation, la préparation psychologique, la maîtrise des sites d’intervention et des situations d’intervention. Tout cela fait que nos corps, actuellement, sont en train de traiter un terrain qui n’est pas simple depuis très longtemps et qui se complexifie tous les jours davantage. Il va y en avoir encore, des dégâts. Mais il faut savoir réagir comme il faut pour les limiter.

Justement comment « réagir comme il faut » ?
Il y a de sérieux problèmes dans la formation des hommes, dans la préparation des interventions, dans la maîtrise des situations d’intervention, dans la maîtrise des moyens d’intervention, dans le respect de la loi. Parce qu’on se réfugie toujours derrière la loi : ont-ils le droit de faire ceci, ont-ils le droit de faire cela ? Quand est-ce qu’il faut utiliser les armes ? Ce n’est pas cela. Le maintien de l’ordre est un métier. Et quand les coups de feu partent à gauche et à droite, n’importe comment, depuis des années on est assommés par cela. Il faut revenir en arrière et demander à tous les responsables, tous les états-majors, de reprendre les questions d’intervention. Revoir comment les hommes sont préparés depuis leur formation, comment ils sont encadrés, comment ils sont préparés à l’intervention, comment les interventions sont préparées et organisées. Si on fait cela, on limite les dégâts.

Étudiant tué à l’Ugb : « Qu’est-ce qu’on a fait pour que la situation se dégrade ? »
Un de vos anciens collègues, commissaire Sadio, a déclaré que l’utilisation de balles réelles est légale lors des opérations de maintien de l’ordre. Vous confirmez ?
Du point de vue de la loi, l’utilisation des balles réelles répond à des situations telles que la légitime défense, la défense du lieu dont on a la garde, telle que la défense d’une personne en situation de danger du fait d’une agression qui est là, réelle et présente. Mais tout cela c’est la loi et son application sur le terrain. Avant cela il y a la responsabilité. Qu’est-ce qu’on a fait pour que la situation se dégrade ? Parce qu’un texte de loi qui règle l’utilisation des armes ne règle pas une situation de maintien de l’ordre. Moi je crois que c’est là qu’il faut voir.

Soyez plus précis.
On sait que les officiers, les sous-officiers sont équipés en permanence d’armes de poing fournies en balles réelles. Mais ces gens-là qui visent d’autres gens, doivent organiser  les interventions de sorte qu’ils ne soient pas obligés de perdre leur sang-froid et d’en arriver à utiliser des armes  qui n’auraient pas dû intervenir là. Parce que dans une situation de maintien de l’ordre, si on en arrive à utiliser une arme de poing fournie en armes réelles, cela veut dire que la situation est dégradée au point que les responsables et les hommes pouvaient se retrouver dans une situation de danger, donc dans une situation de perte de maîtrise de la situation. Et quand on perd la maîtrise de la situation, on s’affole…

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