Abdoulaye Wade et moi (Par Docteur Cheikh Tidiane Dieye)

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C’était en avril 2000. J’étais assis là, quelque part dans la foule, à sa droite, sur ces gradins chauffés par un soleil dont nous ressentions à peine les effets. Mes larmes avaient coulé, à mesure qu’il s’enfonçait dans son discours historique, rendu encore plus fort par la clameur qui s’échappait des milliers de poitrines.
J’écoutais Wade. Ses mots raisonnent encore dans ma tête: « l’ère de l’exercice solitaire du pouvoir en Afrique est terminée. Nous rentrons dans l’ère de la République des citoyens ». Je ne me retenais plus. Le drapeau national à la main, je rêvais, éveillé, de ce Senegal que j’avais tant souhaité et me disais que notre moment est en fin arrivé. Le Sénégal, miracle économique, référence démocratique et modèle universel en matière de gouvernance était en fin à portée de main.
J’étais revenu de Genève quelques jours avant le second tour pour prendre part à la fête, car j’étais convaincu que l’alternance aurait lieu. Je ne pouvais pas voter, n’ayant pas été inscrit sur les listes. Mais je m’étais fait un point d’honneur à faire voter au moins une cinquantaine de personnes entre Dakar et Ziguinchor d’où j’avais suivi le vote du 19 mars 2000.
Après son installation, il s’est rendu en Suisse, dès 2001 pour prendre part au Forum sur les marchés émergents. Nous y étions etudiants, et formions une belle communauté d’étudiants sénégalais établis à Genève. Il est arrivé avec sa délégation, à ses côtés Madame Aminata Niane, tous deux d’une élégance divine. Il était habillé en costume sombre, foulard assorti, chapeau melon bien vissé sur la tête. Quel homme!
C’était déjà le Sénégal que je voulais. Après ses conférences et rencontres officielles, il reçut la communauté sénégalaise à son hôtel.
J’étais alors le président de l’association des sénégalais de Genève et France voisine et devais prendre la parole au nom de la communauté. Je parlais et voyais sur son visage le même bonheur que celui que je ressentais lorsqu’il lisait son discours lors de sa prestation de serment. A la fin de mes propos, il m’appela, me salua et m’offrît son livre dédicacé « Un destin pour l’Afrique » en me disant ceci: « j’ai beaucoup aimé ton discours. Étudiez bien et rentrez construire le pays avec moi. Donne tes contacts à mes collaborateurs ».
Lorsque, rentré au Sénégal quelques années plus tard, j’ai vu que le projet pour lequel je l’avais suivi et soutenu s’écartait peu à peu de la ligne éthique et républicaine, je me suis alors dressé contre lui au nom de l’idéal que nous partagions.
J’ai combattu sa politique, certes, mais sans le haïr. Je reconnais et salue son courage, sa ténacité, son africanité, son humanisme. Autour des années 2008-2009, je l’avais ensuite beaucoup côtoyé pendant que nous menions le combat contre les Accords de partenariat économique (APE). Le Professeur Iba Der Thiam lui remettait chaque jour les messages de soutien et d’encouragement que de nombreux africains m’envoyaient par e-mail pour saluer son courage et sa position opportune et intelligente sur les APE.
Comment aurais-je pu haïr Wade?
Comment pourrais-je?
Il représente tant pour notre génération.
Longue vie au Président Wade.

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