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La vision du tandem Diomaye–Sonko : revitaliser le partenariat Sud–Sud et l’axe sénégalo-oriental Par Mama GOUMBALE Maître en Droit Public Général UGB – Saint-Louis

Dans un monde où les alliances géopolitiques se recomposent rapidement, le Sénégal, sous la direction du tandem Diomaye-Sonko, semble amorcer un tournant stratégique majeur. Selon Maître Mama GOUMBALE, loin des sentiers battus de la Françafrique, les nouvelles autorités sénégalaises entendent miser sur la coopération Sud-Sud et les liens étroits avec les puissances du Moyen-Orient et d’Asie, notamment la Chine, pour reconquérir une souveraineté économique et impulser un développement endogène.

sunugal24.net vous livre l’intégralité de sa déclaration.

À l’heure où les alliances tectoniques se recomposent sur le grand échiquier géopolitique, la récente irruption du tandem Diomaye–Sonko à la tête de l’État sénégalais ne se réduit pas à une simple alternance politique. Elle se révèle, dans ses inflexions doctrinales comme dans ses déplacements symboliques, le prélude d’un repositionnement stratégique d’envergure, au confluent d’un panafricanisme décomplexé et d’un pragmatisme géoéconomique assumé. Loin de se borner aux configurations diplomatiques classiques héritées de la Françafrique, les nouvelles autorités sénégalaises entendent faire de la coopération Sud–Sud et des liens approfondis avec les puissances du Moyen-Orient et d’Asie, notamment la Chine, des piliers d’une souveraineté économique recouvrée, d’un développement endogène et d’une renaissance géopolitique continentale.

L’un des traits saillants de la diplomatie sénégalaise post-alternance réside dans sa volonté de décentrement, à rebours des tropismes européocentrés. Alors que les relations avec les puissances occidentales sont réévaluées avec une lucidité chirurgicale, sans rupture brutale mais avec exigence, le nouveau pouvoir multiplie les gestes envers les partenaires du Sud : le Brésil, la Turquie, le Qatar, l’Inde, les Émirats arabes unis, et bien sûr la Chine, devenue en une décennie le plus grand créancier bilatéral de l’Afrique.

Ce n’est pas un hasard si les premiers déplacements du président Bassirou Diomaye Faye et du Premier ministre Ousmane Sonko ont inclus, aux côtés du Nigeria et du Mali, la Mauritanie, puis l’Arabie Saoudite en visite officielle à haut niveau, marquant une inflexion stratégique. Les images du président sénégalais reçu à Riyad avec tous les honneurs dus à un chef d’État musulman en mission historique, dans une conjoncture internationale tourmentée, ne relèvent pas d’un simple exercice de style protocolaire : elles cristallisent la volonté de sortir de la dépendance univoque aux institutions financières occidentales et de tisser des alliances sur la base d’un respect mutuel et d’intérêts partagés.

Les dirigeants sénégalais semblent vouloir réactiver les idéaux longtemps ensevelis du non-alignement, non comme une posture de neutralité passive, mais comme une stratégie active de reconquête de la marge de manœuvre. Cette volonté de diversification est manifeste dans le discours tout autant que dans les actes. Le Premier ministre Ousmane Sonko, lors de plusieurs interventions publiques, n’a eu de cesse de rappeler que le partenariat international du Sénégal serait désormais guidé par les impératifs de souveraineté, de transparence et de réciprocité.

Le projet de revitalisation des partenariats Sud–Sud s’inscrit dans cette veine. Il s’agit non seulement de renforcer les liens économiques et technologiques entre pays émergents, mais aussi de reconstruire une solidarité politique et culturelle entre nations qui ont longtemps partagé la condition périphérique dans l’ordre international. Cette orientation se traduit par un regain d’intérêt pour les initiatives comme le BRICS+, les corridors économiques interafricains, les banques de développement alternatives (comme la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures), et les forums d’investissement entre pays du Sud.

Le rapport à la Chine, dans la vision du tandem Diomaye–Sonko, n’est ni subordonné ni idéologique, mais instrumentalisé avec lucidité. La Chine est perçue comme un partenaire stratégique de poids, capable d’apporter expertise technologique, financement à long terme, et alternative aux conditionnalités coercitives des bailleurs traditionnels. Le Sénégal, membre actif de l’Initiative des Nouvelles Routes de la Soie, bénéficie déjà d’infrastructures majeures financées par Pékin : autoroutes, hôpitaux, stades, plateformes logistiques. Mais là où les anciens régimes se contentaient souvent d’une réception passive de l’offre chinoise, la nouvelle gouvernance affiche la volonté de renégocier certains termes, de maîtriser les effets d’endettement, et de prioriser les transferts de compétences.

Ce rapport dialectique à la Chine n’est pas de nature servile ; il est dialectique, contractualisé, parfois critique. Il s’agit moins de s’abandonner à un nouveau centre que de faire jouer les centres entre eux, dans une logique d’arbitrage intelligent. D’où la simultanéité des ouvertures vers les pays du Golfe, où le Sénégal bénéficie d’une image valorisée par sa stabilité politique et sa diplomatie religieuse, et vers des puissances régionales comme l’Inde, qui allie investissements en pharmacie, en TIC et en agriculture.

Cette ambition géopolitique ne saurait cependant prospérer sans une refondation interne. Le président Diomaye Faye et le Premier ministre Sonko savent pertinemment que la crédibilité diplomatique d’un pays repose d’abord sur sa cohérence interne, sa gouvernance et la qualité de ses institutions. C’est pourquoi les chantiers de la lutte contre la corruption, de la redevabilité administrative, de la souveraineté budgétaire et monétaire (avec les débats sur le franc CFA), et de la réforme du code minier et pétrolier sont simultanément ouverts. Cette assise nouvelle permet d’aller vers des partenaires extérieurs avec des gages de sérieux, sans quémander ni ployer.

L’optique est claire : rompre avec la logique d’aumône, dépasser la charité internationale, et entrer dans une ère d’intelligence diplomatique, où les relations extérieures prolongent les ambitions intérieures. Les visites officielles ne sont plus de simples déambulations de prestige, mais des actes de démarchage stratégique, où chaque déplacement est calibré en fonction des retombées économiques, diplomatiques ou symboliques. Le déplacement en Arabie Saoudite a ainsi été marqué par des engagements financiers dans l’agriculture et le numérique, tandis que les missions à venir en Asie centrale et en Turquie s’annoncent porteuses de partenariats industriels et de transferts de technologie.

Donc, la vision diplomatique du tandem Diomaye–Sonko ne se résume pas à une quête de visibilité internationale, mais à une réinvention du Sénégal comme puissance-pont, comme carrefour actif entre les Suds du monde. Cette vision s’ancre dans une lecture rénovée des rapports de force mondiaux, une compréhension fine des interdépendances, et une volonté farouche de faire exister le pays, non plus comme un simple réceptacle d’influence, mais comme un sujet historique et géopolitique à part entière.

Dans un monde polycentrique, où les puissances se disputent les faveurs de l’Afrique, l’audace du Sénégal nouveau sera de tenir la position médiane : ni aligné, ni isolé ; ni vassal, ni fermé ; mais stratège, exigeant, soucieux de son autonomie. Cela suppose une diplomatie décomplexée, fluide et plurielle, capable de parler avec Moscou sans rompre avec Bruxelles, de commercer avec Doha sans renier Bamako, de négocier avec Pékin sans tourner le dos à Washington.

L’histoire, jadis confisquée, s’offre à nouveau à ceux qui osent. Et le Sénégal, par la voix de ses nouveaux gouvernants, semble dire au monde qu’il n’est plus temps d’attendre. Mais cette inflexion diplomatique, si audacieuse soit-elle dans ses prémisses, ne saurait demeurer une simple rhétorique de rupture ni une gesticulation symbolique. À l’évidence, toute vision géopolitique, pour être féconde, doit se répercuter en strates concrètes sur les leviers internes du développement. Il est donc temps d’examiner les traductions tangibles de cette orientation dans l’architecture économique nationale, tout en identifiant les équilibres subtils qu’elle implique et les risques systémiques qu’elle pourrait générer si elle venait à être conduite sans lucidité ni garde-fous.

Car la diplomatie n’est pas une chorégraphie d’intentions. Elle est un vecteur d’industrialisation ou un miroir de stagnation. En s’ouvrant à des partenaires du Sud global, le Sénégal ne doit pas aspirer seulement à importer des infrastructures ou des financements ; il doit viser l’agrégation, sur son propre sol, de véritables chaînes de valeur, le tissage de nœuds productifs endogènes, la réappropriation technique et logistique des moyens de production. Il ne suffit plus de recevoir : il faut co-produire, co-définir, co-piloter. Là se situe l’intervalle cardinal entre la coopération et la vassalité.

À cet égard, la diplomatie économique ne saurait s’épanouir dans le déséquilibre. Il serait naïf d’idéaliser les puissances dites « émergentes », comme si leur statut géopolitique les exemptait de logiques d’exploitation ou d’intérêts dominants. La Chine, certes alternative à l’unilatéralisme occidental, ne négocie jamais sans stratégie. Les monarchies du Golfe, en quête de soft power africain, peuvent à la faveur d’accords inégaux transformer la dépendance financière en subordination silencieuse. Le Brésil, l’Inde ou la Turquie ont également des ambitions géoéconomiques qui ne sont pas dénuées de rapports de forces latents.

Dès lors, la véritable souveraineté ne réside pas dans la multiplication des partenaires, mais dans la qualité des contrats, dans la précision des clauses, dans la capacité à rééquilibrer les termes de l’échange. Ce n’est pas la variété des drapeaux sur le tarmac de l’aéroport qui constitue un indicateur de puissance, mais la densité des contreparties négociées. Une diplomatie du Sud, pour être digne de ce nom, doit être à la fois hospitalière et vigilante, ouverte mais structurée, généreuse dans l’accueil mais intransigeante dans la défense de ses intérêts stratégiques.

Cela suppose une montée en gamme de l’appareil étatique. Une armature technocratique aguerrie. Une intelligentsia économique capable d’anticiper, d’évaluer, de négocier sans ciller. Sans cela, le risque est grand de substituer à la dépendance française une pluralité de dépendances plus diffuses, plus insidieuses, plus fragmentées. L’unilatéralisme donne certes le vertige, mais le multidépendantisme pourrait, à terme, ruiner toute prétention à l’autonomie stratégique.

Par ailleurs, l’ambition internationale du Sénégal ne saurait se cantonner à une dynamique bilatérale, aussi multiforme soit-elle. Une géopolitique du XXIe siècle ne se conçoit qu’à l’aune des réseaux, des interconnexions, des effets d’entraînement. Le pays, s’il parvient à articuler souveraineté interne, respect démocratique et audace diplomatique, pourrait incarner une nouvelle grammaire africaine des relations internationales. Non plus celle de la supplique ou de l’allégeance, mais celle de la proposition, du modèle, de l’inspiration stratégique.

C’est là que réside, en creux, le véritable saut qualitatif : non pas seulement s’émanciper, mais influencer ; non pas seulement se repositionner, mais rayonner. L’Afrique francophone, longtemps empêtrée dans une sorte de tropisme néocolonial, observe aujourd’hui le Sénégal comme un laboratoire. À travers l’expérience institutionnelle actuelle, c’est toute une génération de décideurs du Sud qui cherche un miroir, un précédent, une preuve que l’intelligence politique et la lucidité géostratégique peuvent converger sans se contredire.

La tâche est immense. Elle exige constance, souplesse et vision. Mais elle suppose surtout que l’on rompe, une bonne fois pour toutes, avec les postures d’infériorité. S’ouvrir à Pékin, dialoguer avec Riyad, contractualiser avec Ankara ou Bombay, oui — mais sans courber l’échine. Être présent aux forums du BRICS+, oui — mais avec des propositions structurantes, pas des doléances plaintives. Travailler avec les institutions régionales africaines, certes — mais en exigeant efficacité, transparence et rigueur.

Le monde contemporain ne laisse plus de place aux périphéries passives. Ceux qui ne négocient pas se verront imposer. Ceux qui n’anticipent pas subiront. Ceux qui n’osent pas seront absorbés. Le Sénégal, dans ce contexte, joue peut-être la carte de sa destinée, non dans un romantisme souverainiste mais dans une stratégie longanime, lente et résolue, faite de lucidité et de ténacité.

Il ne s’agit plus d’attendre que l’histoire s’écrive ailleurs. Il s’agit, désormais, d’avoir les instruments, le langage et l’audace pour l’écrire nous-mêmes.

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