C’est une étape décisive – et potentiellement explosive – qui s’annonce dans l’enquête sur la gestion des finances publiques sous le régime de l’ancien président Macky Sall. La Division des investigations criminelles (DIC) a bouclé ses investigations, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle phase judiciaire : la comparution de plusieurs anciens ministres des Finances devant la Haute Cour de justice.
Amadou Bâ, Abdoulaye Daouda Diallo et Birima Mangara sont désormais dans la ligne de mire. Tous trois ont occupé des postes stratégiques entre 2019 et mars 2024, période passée au crible par la Cour des comptes, qui a relevé de graves anomalies dans la gestion des deniers publics.
Fin de l’enquête de la DIC : les anciens ministres dans le viseur
Selon les informations , après plusieurs mois de travail d’investigation ayant vu passer dans les locaux de la DIC de nombreux directeurs de banques, hauts fonctionnaires et responsables financiers, l’heure est désormais venue de demander des comptes aux anciens décideurs politiques.
Bénéficiant du privilège de juridiction, les anciens ministres ne peuvent être jugés que par la Haute Cour de justice, instance prévue pour les membres du gouvernement mis en cause dans l’exercice de leurs fonctions. La prochaine étape consiste donc en leur mise en accusation formelle par une commission d’instruction de l’Assemblée nationale, mise en place à cet effet. D’après les informations , les convocations seraient imminentes.
Deux dossiers accablants : DAT cassés et CNO douteux
L’affaire repose sur deux volets financiers distincts mais tout aussi explosifs :
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Les Dépôts à terme (DAT) : Il est reproché aux anciens ministres la rupture anticipée de nombreux DAT contractés par l’État. Problème : les fonds récupérés – soit 141,087 milliards de francs CFA – n’auraient pas été reversés au Trésor public, comme l’exige pourtant la réglementation. Ce manquement soulève de sérieuses interrogations sur la traçabilité et l’utilisation de ces fonds publics.
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Les Certificats Nominatifs d’Obligation (CNO) : Ce second dossier est d’autant plus délicat qu’il concerne des mouvements financiers massifs, estimés à 546,7 milliards de francs CFA, opérés dans des conditions jugées opaques et irrégulières. La Cour des comptes a notamment relevé des commissions de plus de 58,9 milliards de francs CFA versées à des structures privées et à des individus sans justification claire.
Ces éléments, mis en lumière dans le rapport de la Cour des comptes, forment le socle des poursuites potentielles. Ils pourraient entraîner des accusations de détournement de fonds publics, de mauvaise gestion, voire de complicité de blanchiment, si les faits sont confirmés par la justice.
Amadou Bâ, Daouda Diallo, Mangara : trois ex-ministres sous pression
Le trio concerné n’est pas anodin. Amadou Bâ, ancien Premier ministre et candidat malheureux à la présidentielle de 2024, a dirigé le ministère de l’Économie et des Finances entre 2019 et 2020, avant d’être remplacé par Abdoulaye Daouda Diallo, lui aussi figure majeure de l’ex-coalition Benno Bokk Yakaar. Quant à Birima Mangara, il a tenu les rênes du Budget durant la même période critique.
Tous trois ont marqué l’architecture économique du Sénégal sous Macky Sall, et leur comparution devant la Haute Cour pourrait ouvrir une séquence judiciaire sans précédent, avec des implications politiques fortes pour l’ancien régime.
Le nouveau régime, qui a promis transparence, reddition des comptes et lutte contre la corruption, joue ici sa crédibilité. Le dossier est suivi de très près par l’opinion publique, mais aussi par les bailleurs internationaux, soucieux de la gouvernance financière du pays.
Ce qui s’annonçait comme un simple audit administratif devient aujourd’hui une affaire d’État. La justice est désormais à l’épreuve de la vérité.