Décès de l’acteur Britannique Sean Connery

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Son nom était Bond, James Bond. Mais pas seulement, car Sean Connery comptait parmi les plus grandes stars de cinéma de la seconde moitié du XXe siècle. Sa famille a annoncé son décès à la BBC, ce samedi 31 octobre.

Un illustre inconnu qui porte tellement bien le smoking. Les producteurs de « James Bond 007 contre Dr. No », tout premier opus des aventures de l’agent secret britannique, n’avaient pas les moyens d’engager une star. David Niven était sur les rangs pour incarner le héros inventé par Ian Fleming, mais budget restreint oblige, c’est un jeune acteur écossais qui est retenu en 1962 par Harry Saltzman et Albert R. Broccoli. Sa filmographie se résume alors à une dizaine d’apparitions dans autant de films de série B, à l’exception de « Another time, another place » (1958) dans lequel il partage l’affiche avec l’icône hollywoodienne Lana Turner. Il compte également à son actif une petite figuration dans « Le jour le plus long ». Dans la scène du débarquement sur la plage normande de Sword, Sean Connery joue un soldat qui tombe à l’eau en sortant de sa barge…

« Il ne ressemble pas à l’idée que je me faisais de James Bond » déclare Ian Fleming lorsqu’il découvre l’acteur qui va endosser le rôle de son personnage. Mais « il a le charisme sexuel requis » objecte Blanche Blackwell, la propre petite amie de l’écrivain ! Ce dernier révisera complètement son opinion sur Sean Connery après le triomphe du film au box-office. Détail piquant, la calvitie de l’acteur, déjà naissante en 1962, l’obligea à porter une perruque dans les sept James Bond qu’il a tournés au cours de sa carrière.

Apprenti boucher après l’école

Quand il voit le jour en 1930 à Fountainbridge, banlieue ouvrière d’Édimbourg, absolument rien ne prédestine Thomas Sean Connery à devenir une super star du grand écran. Issu d’un milieu très modeste – sa mère était femme de ménage et son père conducteur d’engins de chantier – « Tommy Connery » doit travailler dès l’âge de huit ans pour subvenir à ses moyens, et à ceux de sa famille qui vient de s’agrandir avec la naissance de son petit frère Neil. Distributeur de lait aux aurores, il est apprenti boucher l’après-midi, dès la sortie de l’école. À 17 ans, il interrompt sa scolarité pour s’engager dans la Royal Navy, qu’il quitte trois ans plus tard à cause d’un ulcère à l’estomac. Une expérience militaire au cours de laquelle il se fait tatouer sur l’avant-bras « Dad and Mum » (« papa et maman ») et « Scotland Forever » (« L’Écosse pour toujours »). Malgré le maquillage, un œil averti peut les repérer dans de nombreuses scènes de films où l’acteur a les bras nus.

Revenu sur la terre ferme, Sean Connery enchaîne un nombre impressionnant de petits métiers. Tour à tour maçon, livreur, maître-nageur, modèle à l’École des beaux-arts d’Édimbourg, il est également pendant un temps vernisseur de cercueils. Son premier appétit pour les planches lui vient en faisant l’homme à tout faire dans les coulisses du King’s Theatre, l’un des plus grands théâtres en Écosse. Pourvu d’une carrure athlétique – il mesure 1,89 m – celui qui n’est encore qu’un jeune homme de 20 ans pratique également le culturisme. La troisième place qu’il décroche au classement junior du concours de Mister Univers en 1950 l’amène à croiser le chemin d’un autre compétiteur, qui lui suggère de se présenter à une audition pour un rôle de figurant dans une comédie musicale intitulée « South Pacific ».

« L’une des décisions les plus intelligentes que je n’ai jamais prises »

Un petit rôle qui signe le début de sa fantastique carrière, mais qui aurait pu tout aussi bien être le dernier. Lors d’un match amical de foot contre une équipe locale pendant la tournée de la pièce, Sean Connery est remarqué pour son jeu… de pied par Matt Busby, à l’époque manager du club anglais Manchester United. Séduit dans un premier temps par l’offre de recrutement que lui propose Busby, il finit par y renoncer. Il s’en expliquera plus tard dans un commentaire non dépourvu d’ironie : « J’ai compris qu’un footballeur professionnel pouvait avoir son passé derrière lui à 30 ans, et j’en avais déjà 23. J’ai décidé de devenir acteur, ce qui s’est avéré être l’une des décisions les plus intelligentes que je n’ai jamais prises. » C’est aussi de cette époque que date sa rencontre avec Michael Caine, en 1954, le début d’une indéfectible amitié, couronnée en 1975 par leur participation au chef-d’œuvre de John Huston, « L’homme qui voulut être roi ».

Jusqu’à son premier rôle dans James Bond, Sean Connery partage essentiellement son temps dans les années cinquante entre théâtre et télévision. Et quand il ne joue pas la comédie, il dévore les pièces d’Henrik Ibsen, du « Canard sauvage » à « Quand nous nous réveillerons d’entre les morts » en passant par « Hedda Gabler ». Proust, Tolstoï, Tourgueniev, Shaw, Joyce et Shakespeare sont ses lectures quotidiennes. Il prend en parallèle des cours d’élocution pour parfaire sa diction. Mais tout au long de sa vie, il ne s’est jamais vraiment départi de son accent écossais qu’il a conservé dans chacun de ses rôles, même pour jouer un capitaine de sous-marin soviétique dans « À la poursuite d’octobre rouge » en 1990.

Recruté par un gang ultra-violent

Une anecdote survenue dans ses toutes premières années d’acteur doit être rappelée. L’histoire se déroule en plein cœur d’Édimbourg dans une salle de billard enfumée. Les membres d’un gang ultra-violent de la ville interpellent sèchement le jeune Connery pour le délester de son blouson en cuir. Déterminé à ne pas se faire déplumer, ce dernier parvient à quitter les lieux. Poursuivi dans la rue par six nervis de la bande, il n’a d’autre choix que de les affronter. Les voyous avaient clairement sous-estimé la force de leur victime qui les terrassa un par un. Impressionnés par ses techniques de combat, les chefs du gang lui ont proposé un mois plus tard de rejoindre leurs rangs ! Une offre qu’il déclina poliment, satisfait d’être respecté par la bande la plus impitoyable de la capitale écossaise.

Bien que son incarnation de 007 lui ait apporté succès et renommée, Sean Connery a au fil du temps pris ses distances avec l’agent secret au service de Sa Majesté. « Il est devenu le synonyme de Bond mais c’est un acteur qui vaut bien plus que cela » faisait remarquer Michael Caine. Un commentaire parfaitement illustré par la carrière très prolifique de Sean Connery. Entre deux épisodes de James Bond, il décroche un premier rôle dans « Pas de printemps pour Marnie » d’Alfred Hitchcock (1964) ou encore dans « La colline des hommes perdus » de Sydney Lumet (1965). Il retrouve d’ailleurs le réalisateur américain quelques années plus tard dans « Le meurtre de l’Orient express » (1974). En 1977, sous la direction de Richard Attenborough, il figure dans la distribution de l’adaptation éponyme du livre de Cornelius Ryan, « Un pont trop loin », aux côtés de Michael Caine une fois encore, mais aussi de Dirk Bogarde, James Caan et Laurence Olivier. Sa passion jamais complètement remisée du football le conduit même en 1982 à être la voix de « G’olé ! », le documentaire officiel produit par la FIFA sur la Coupe du monde organisée cette année-là en Espagne.

« Je n’ai rien compris au scénario du Seigneur des anneaux »

Avec « Jamais plus jamais » sorti en 1983, Sean Connery rempile une ultime fois dans la série des James Bond. Le titre du film, suggéré par son épouse française Micheline Roquebrune, fait ironiquement référence à ce que ne manquait pas de déclarer Sean Connery sur son éventuelle participation à un nouveau James Bond : « Je ne jouerai plus jamais Bond ». En dépit du succès rencontré en salles par le film, différents problèmes de production – aussi bien artistiques que financiers – conduisent à le dégoûter des grands studios. Il reste deux ans à l’écart des plateaux de cinéma avant de renouer avec un grand rôle salué par le public et la profession. C’est le personnage de Guillaume de Baskerville qu’il incarne dans « Le nom de la rose » dirigé par le Français Jean-Jacques Annaud qui en 1986 le réconcilie avec le métier. Un rôle inoubliable qui a d’ailleurs valu un Bafta du meilleur acteur à l’Écossais. Avec le rôle qu’il tient la même année dans « Highlander » de Russel Mulcahy où il donne la réplique à Christophe Lambert, Sean Connery donne un nouveau souffle à sa carrière, confirmé en 1987 dans « Les Incorruptibles » de Brian De Palma – qui lui vaut un Oscar – puis en 1989 dans « Indiana Jones et la dernière croisade » sous la direction de Steven Spielberg.

Mais quand Peter Jackson lui propose en 2000 d’être Gandalf dans « Le Seigneur des anneaux », l’acteur refuse le rôle, car explique-t-il alors, « je n’ai rien compris au scénario ». Les 400 millions de dollars qui lui étaient promis pour sa participation dans l’adaptation du roman de Tolkien ne lui ont fait ni chaud ni froid. L’année précédente, il a également éconduit la production de « Matrix » qui le pressentait dans le rôle finalement tenu par Lawrence Fishburne. Ses désillusions vis-à-vis « des idiots qui font maintenant des films à Hollywood » selon ses propres termes l’ont convaincu de goûter à une retraite méritée. « La retraite est juste trop amusante » avait-il l’habitude de lâcher pour mieux exclure tout retour cinématographique.

« L’homme le plus sexy encore en vie »

Héros incontestable en Écosse dont il a longtemps défendu avec ferveur l’indépendance, Sean Connery a même mis la main à la poche en finançant généreusement pendant plusieurs années le Scottish national party (SNP). « Sir Connery » depuis son anoblissement par Élisabeth II le 5 juillet 2000, il a longtemps vu cette distinction retardée en raison de ses opinions politiques.

Si de nombreux spécialistes et critiques observent que le jeu de l’acteur Sean Connery n’a eu de cesse de s’améliorer au fil d’une carrière qui tutoie le demi-siècle, son charisme et son charme légendaire ne se sont pas étiolés à travers le temps. En 1989, à l’aube de ses soixante ans, Sean Connery a été élu par les lecteurs du célèbre magazine People comme étant « L’homme le plus sexy encore en vie ». Une récompense qu’il salua d’une de ces boutades dont il avait le secret : « En fait, il n’existe pas beaucoup d’hommes sexy morts, n’est-ce pas ? » Sean Connery l’ignorait quand il prononça ces paroles, mais malgré sa disparition, il n’est pas prêt de se faire voler le titre qui lui a été attribué.

RFI

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