« 60 ans » après le discours du 26 août 1958 : quand Macron enfile la tenue du Général de Gaulle

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Ceux qui s’attendaient à un changement de paradigmes dans les relations entre la France et l’Afrique, au lendemain du départ de François Hollande, vont devoir déchanter après avoir écouté, hier, le président Emmanuel Macron, dans une salle de l’université de Ouagadougou, réciter une leçon d’histoire apprise du Général de Gaulle.
Celui que la jeunesse devrait prédisposer au renouveau a opté, à rebours des aspirations de la bande à Kémi Séba, pour la continuité malgré les nuances et nuages sémantiques d’un « discours de la méthode » qui emprunte à Descartes son pragmatisme dépouillé de lyrisme senghorien. En réalité, le chef de l’Etat français, face à cette Afrique, qui procure matières premières et matières grises, ressources humaines et ressources naturelles, a discouru sous le mode de l’ironie.
Parlant de la réforme du F Cfa, il nargue : « Le franc CFA, c’est un choix des Etats membres de la zone CFA….Ce sont les Etats africains qui sont les maîtres de leur destin. N’ayez pas ce discours de revendication postcolonial, il n’y a pas de joug…J’accompagnerai la solution portée par l’ensemble des pays de la zone franc. Je suis favorable au changement de périmètre et au changement de nom. C’est les pays qui décident ».
Un chouia menaçant et usant d’un langage jupitérien,  il demande aux présidents africains de choisir entre l’Eden sous une couverture élyséenne et l’Enfer du « soleil des indépendances ». « C’est pour la France un non-sujet mais pour vos dirigeants un vrai sujet », met en demeure Macron. Qui est un demeuré ? « Un non-sujet » ? Pourquoi alors les déboires de la Guinée Conakry et du Mali, fraîchement indépendants, qui avaient osé quitter la Zone F, « préférant la liberté dans la pauvreté à l’esclavage dans l’opulence »?
Voilà un discours anachronique. Une antienne pareille à celle entonnée par le Général de Gaulle lors d’une réunion du Comité consultatif constitutionnel à la veille du référendum de 1958.
Charles de Gaulle dixit : « Pourquoi se battre sur des mots abstraits comme « fédération ». La vraie question n‘est pas là : elle est dans l’opinion entre l’association et la sécession. On reste ensemble, vraiment, ou l’on se sépare. Mais il est nécessaire de faire une structure. Le gouvernement décide de l’appeler « fédération » (…). Fédération, confédération, ce sont des mots. Je dis, moi, fédération. Mais nous ne forçons personne à y adhérer. On ne pourra pas dire qu’il s’agit d’un statut octroyé ou imposé, puisque les territoires pourront choisir librement à l’occasion du référendum. Si ces territoires disent « non » ce sera la sécession à leurs risques et périls…dans ce monde dur où tout commande de s’unir. Et si la sécession l’emporte, la Métropole devra en tirer toutes les conséquences. On peut avoir envie de la sécession. Elle impose des devoirs. Elle comporte des dangers. L’indépendance a ses charges. Le référendum vérifiera si l’idée de sécession l’emporte. Mais on ne peut concevoir un territoire indépendant et une France qui continue à l’aider. Le gouvernement tirera les conséquences que comporterait la manifestation d’une telle volonté ».
Charles de Gaulle : « On ne peut concevoir un territoire indépendant et une France qui continue à l’aider »
Pour en revenir à Macron, c’est comme s’il disait à ses vrais interlocuteurs, s’appropriant la formule du Général : « Si vous voulez l’indépendance, prenez-là ». Sachant que les chefs d’Etat africains, qui n’ont pas la carapace de Thomas Sankara, ne vont pas attacher le grelot pour couper la corde (qui lie et non le cordon unit) ombilicale avec la France. Avant, l’aide, « qui n’aide pas à se passer de l’aide », était la principale arme de chantage aux mains de la Métropole, aujourd’hui, c’est l’impossibilité où se trouve une partie de l’Afrique à endiguer le péril terroriste grandissant sans l’appui de la France et en l’absence d’une armée continentale telle que théorisée par Kadhafi qui permet au pays de Marianne de négocier, voire d’imposer ses vues, en position de force.
Sous de Gaulle les dirigeants africains étaient divisés entre « l’indépendance immédiate » prônée par le Pra (de Senghor et Cie) et une partie du Rda, sous la férule de Sékou Touré et la continuité de « la communauté fédérale franco-africaine » (qui date de la Conférence de Brazzaville) voulue par Félix Houphouët Boigny, qui  conscient du poids économique de la nation qu’il dirige, refusa que la Côte d’Ivoire fût la « vache laitière des autre pays ».
Cette posture-là  de Boigny aide à comprendre la position actuelle de Alassane Ouattara qui soutient la position de la France sur le F Cfa.  Alors que le Tchad d’un Idrisss Déby, qui doit son auréole sur Habré à François Mitterrand, milite pour la réforme du F Cfa.
En définitive, l’Afrique, « sous domination française », notamment au plan économique, avec la suprématie des entreprises éponymes, est étranglée par deux goulots : le maintien du F Cfa sous sa forme actuelle et la signature des Ape, qui vient compromettre les chances de la programmée Zlec (Zone de libre-échange continentale). Pendant ce temps, il y a un vent libérateur qui souffle sous les cieux des pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud…). Il ne s’agit pas de choisir pour les intérêts d’autres Etats au détriment de la France, il est question de choisir pour nos propres intérêts si tels sont aussi ceux de la France. Cela, conformément à la boutade du Général de Gaulle (toujours lui) qui laissa méditer l’Amérique : « Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts à défendre ».

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