Le parquet financier a récemment saisi la Division des Investigations Criminelles (DIC) pour une enquête portant sur un litige foncier d’envergure, connu sous le nom de l’« affaire des 94 milliards ». Ce dossier complexe fait état d’un terrain de 258 hectares situé dans la zone de Rufisque, d’une valeur estimée à 94 milliards de francs CFA. Ce terrain, enregistré sous le Titre foncier 1451/R, est au cœur d’une querelle judiciaire et politique qui met en lumière des pratiques foncières opaques et des accusations graves de spoliation.
Un Contentieux de Succession à l’Origine
Au départ, l’affaire semblait être un simple conflit foncier entre héritiers. Les membres de la famille Mbengue, héritiers de feu Ousmane Mbengue, se sont retrouvés en dispute avec Djily Mbaye, un richissime marabout et homme d’affaires, décédé en 1991. Ce dernier, malgré sa disparition, restait au centre des débats en raison de ses liens avec un terrain dont la valeur et la superficie sont sources de convoitises. Ce contentieux, relativement discret à ses débuts, a pris de l’ampleur avec les révélations publiques et les prises de position politiques qui ont suivi.
L’Intervention d’Ousmane Sonko et la Dimension Politique
L’affaire prend un tournant décisif en 2020, lorsqu’Ousmane Sonko, leader de l’opposition et député à l’Assemblée nationale, s’en mêle. Le responsable politique, connu pour ses dénonciations de corruption, accuse des hauts fonctionnaires de l’État d’avoir facilité la spoliation des héritiers Mbengue au profit de Djily Mbaye. Selon Sonko, cette appropriation frauduleuse d’un bien appartenant à une famille démunie aurait été réalisée avec la complicité de plusieurs personnalités influentes, dont des anciens hauts responsables de l’administration sénégalaise.
Parmi les principaux mis en cause, figurent Tahibou Ndiaye et Mamour Diallo, respectivement anciens directeurs du Cadastre et des Domaines. Leur implication aurait facilité la rétrocession illégale du titre foncier, des accusations qui ont déclenché une onde de choc dans les milieux politiques et administratifs du pays. L’accusation de spoliation prend alors une tournure politique, Ousmane Sonko dénonçant un système de corruption où les grandes fortunes et certains fonctionnaires de l’État sont soupçonnés d’avoir profité d’un vide juridique et d’une gestion des terres au service d’intérêts privés.
Une Enquête Sous Haute Surveillance
La saisie de la DIC par le parquet financier marque un nouvel acte dans cette affaire qui, selon certains analystes, pourrait avoir des répercussions bien au-delà du cadre juridique. L’enquête porte notamment sur les conditions d’acquisition du terrain par Djily Mbaye et les éventuelles complicités administratives. Les autorités semblent déterminées à faire toute la lumière sur cette affaire, mais le climat politique et les enjeux de pouvoir rendent cette enquête particulièrement sensible.
Les questions de transparence foncière et de gestion des biens publics sont au centre des débats, et l’affaire des 94 milliards a déjà alimenté de nombreuses spéculations. Les accusés, de leur côté, réfutent toutes les accusations portées contre eux et dénoncent ce qu’ils considèrent comme une instrumentalisation politique de cette affaire.