Réduction du mandat: Pourquoi Macky veut avoir l’avis du conseil constitutionnel?

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«La rupture n’est pas qu’un slogan. C’est un comportement, celui que les dirigeants de ce pays doivent adopter. Humilité, sobriété et rigueur doivent régir notre action politique. Je vous assure qu’il s’agit bien là d’une rupture, profonde, avec les pratiques en vigueur sous mon prédécesseur… Avec moi, tout va changer. J’ai renoncé à deux ans de pouvoir, en ramenant le mandat présidentiel de sept à cinq ans et en m’appliquant immédiatement cette mesure, comme je m’y étais engagé ». Voici ce qu’avait déclaré Macky Sall dans une interview accordée à l’hebdomadaire « Jeune Afrique » juste trois mois après son installation au pouvoir. Manifestement, le discours a varié et la tonalité est moins radicale. Certes, le Président de l’Apr semble rester dans la même dynamique si l’on en juge par cette autre déclaration devant la presse étrangère conviée à la salle des banquets de la Présidence, le 17 mars dernier. «Je soumettrais un référendum qui va procéder à la révision de la
Constitution, d’abord sur la réduction de mon mandat, et sur certains autres aspects pour consolider notre démocratie. D’ici probablement mai 2016, nous pourrons nous prononcer sur cette réduction. Si le Oui l’emporte, l’élection se fera en février 2017 au lieu de 2019», a-t-il répété pour la circonstance. Il n’empêche que ses partisans rivalisent d’ardeur pour le pousser à un reniement. Et rien n’est de trop pour le convaincre ou plutôt pour le contraindre à revenir sur son engagement. Ils réfléchissent, planifient, coordonnent et exécutent toute une campagne de communication à travers les médias en faveur d’un reniement. C’est Moustapha Cissé Lô qui, le premier, est monté au front pour déclarer : « le Président est élu pour sept ans, il doit terminer ce mandat. Macky Sall peut promettre aux Sénégalais ce qu’il veut s’il est élu, mais ce n’est pas lui qui peut décider par un décret de réduire son mandat. J’invite Macky Sall à faire du wax waxeet (se dédire)». On ne saurait être plus catégorique que Cissé Lô dont les propos sonnent comme une campagne déguisée pour le « Non » avant l’heure.

Mais Macky Sall lui-même peut-il faire croire à l’opinion qu’il est loin de ces positions exprimées à haute et intelligible voix par sa task force politique ? Assurément non ! Il manœuvre. Avec à la baguette, son conseiller Juridique Ismaëla Madior Fall. Le nouveau « tailleur» juridique du régime qui explique dans une interview accordée au quotidien « L’observateur » pourquoi Macky Sall est tenu de saisir les 5 sages du Conseil constitutionnel pour recueillir leur avis sur les réformes envisagées dans le cadre du référendum. «Il faut d’abord comprendre le sens de la démarche : le président de la République, ne pouvant pas matérialiser sa volonté de réduire son mandat par décret, est obligé de suivre un des itinéraires tracés par la Constitution. Celui qu’il a choisi, c’est de consulter le peuple. Mais avant d’arriver au peuple, on doit passer soit par l’Assemblée nationale, qui adopte d’abord le texte avant qu’il ne soit soumis au référendum (article 113 de la Constitution), soit par le Conseil constitutionnel qui se prononce sur la pertinence du recours à la procédure référendaire et du projet de texte à soumettre au peuple. C’est l’article 51 de la Constitution : le président de la République peut, après avoir consulté le Président de l’Assemblée nationale et le Conseil Constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnelle au peuple » Soit ! Seulement voilà : la saisine du Conseil constitutionnel est en réalité l’astuce trouvée pour faire un mandat de 7 ans. Un hebdo de la place avait déjà défloré le sujet et révélé le secret des officines du Palais. Selon nos confrères, les magistrats du Conseil constitutionnel ne seraient pas d’accord sur la réduction de 7 à 5 ans de ce mandat en cours. Le quinquennat n’étant applicable que pour le prochain mandat. Autrement dit, Macky Sall serait obligé de faire un mandat de 7 ans.

Mais l’information parue dans cet hebdo est, pour dire le moins, assez bizarre. Certes, le débat est posé mais jamais les 5 sages n’ont pas encore été saisis pour trancher sur la question. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel vient juste d’être au complet. Les cinq sages n’ayant prêté serment que tout récemment. La stratégie concoctée par les officines du Palais est certes très simple mais parfaitement huilée. Le président de la République va saisir le Conseil Constitutionnel sur la question de la réduction de son mandat de 7 à 5 ans. Et Pape Oumar Sakho et ses collègues de lui servir alors comme réponse : «le mandat peut bien passer d’un septennat à un quinquennat. Mais cette décision n’est applicable que pour le prochain mandat. Vous êtes élu pour un mandat de 7 ans et pour ne pas violer la charte fondamentale, vous êtes tenu de la respecter ». Et, ainsi, le tour est joué. Et dans leur argumentaire, voilà le discours qui pourrait être tenu pour convaincre l’opinion : « le président de la République, ayant prêté serment de respecter et de faire respecter la Constitution, ne devrait pas prendre des décisions qui vont à l’encontre de la Loi fondamentale. Or, dans la Constitution du Sénégal, il est clairement écrit que le président de la République est élu pour un mandat de sept ans ». Et sur le respect de la parole donnée ? «La Constitution est plus importante que la parole d’un individu. Elle est la charte fondamentale, le pacte national du pays. Rien n’est au-dessus de la Constitution », trancheront alors les défenseurs du Président. Quant à celui-ci, il pourra alors dire sans sourciller : « j’avais la volonté de réduire mon mandat, mais la Constitution me l’interdit ». Mais peut-être ne conclura-t-il pas cette fois-ci son propos un très martial « un point, un trait ».

Pape Alé Niang

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