Opposition électoraliste, erreur stratégique de Pastef

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La politique du ôte-toi que je m’y mette pour les frustrés du pouvoir qui ont élu Macky Sall ou qui n’ont pas pu le rejoindre ne peut pas fédérer les Sénégalais. Le Sénégal n’a pas un problème de liberté politique et de démocratie

Le nom est bien choisi « Yewwi Askan Wi » ou « Libérer le peuple » et il correspond au projet du parti leader de la coalition qui ambitionne de libérer le Sénégal de l’emprise internationale. Il fallait en avoir le courage et présenter aux Sénégalais une coalition politique sous le leadership d’Ousmane Sonko et non une coalition électorale. Les couleurs de la coalition, à défaut de rappeler celles du Parti Socialiste, sont les couleurs de Pastef. Le compromis d’une coalition électorale sans projet commun et un leadership clair dès sa constitution est une erreur stratégique de notre point de vue.

Les élections locales et législatives au Sénégal sont faites à dessein pour être gagnées, du point de vue du suffrage proportionnel global, par le pouvoir et l’opposition d’être représentée. La victoire de l’opposition en 2009 dans les grandes villes n’a pas empêché que les acteurs des assises nationales, artisans de ces victoires, n’aient pas été choisis par les Sénégalais qui ont préféré la continuité par un simple changement d’hommes. Ces mêmes hommes qui ont aidé à élire le pouvoir, étaient avec le pouvoir, ou ont été au pouvoir, sont dans l’opposition et dans la coalition « Yewwi Askan Wi », ce qui montre qu’il ne s’agit d’hommes mais effectivement de système. Comme nous le disions dans notre contribution soutenant la candidature d’Ousmane Sonko à la présidentielle de 2019 « Macky la Continuité, Sonko la Rupture », ce système auquel les Sénégalais sont habitués a nécessité que notre pays soit géré comme une seule entreprise devant présenter ses projets à des bailleurs puisque n’ayant pas les moyens de sa politique. Cet état socialisant a fait l’objet de convoitises corruptrices de tous bords puisque ne pouvant pas satisfaire tout le monde dans sa façon de faire y compris ses propres agents.

Les élections de 2022 ne feront donc pas exception et les objectifs intermédiaires de la coalition électorale, notamment sur les libertés, ne seront pas atteints. Le Sénégal n’a pas un problème de liberté politique et de démocratie. La coalition «Yewwi Askan Wi» devait travailler sur un projet fédérateur qui aurait été minoritaire en 2022 mais compétitif dans un premier tour de scrutin en 2024. Au contraire, la coalition a reporté à 2024 ce qui sera de profondes divergences si tous les leaders constitutifs devaient se présenter à cette élection. Nous aurons alors une compétition entre les tenants des assises nationales ressuscités (du pouvoir et de l’opposition), ceux de Pastef pour des ruptures systémiques fondamentales, et ceux de la grande famille libérale sociale pour la continuité. Il s’en suivrait un risque que la confusion électoraliste, une fois de plus, ne permette pas aux sénégalais d’avoir une alternative politique réellement nouvelle.

De ce fait, le Sénégal n’a pas besoin d’une coalition électorale composée pour la plupart d’acteurs qui nous ont montré ce dont ils étaient capables à un moment ou à un autre en termes de propositions ou de gestion. La cible n’est pas Macky Sall car il ne fera pas de troisième mandat, son régime non plus, mais la doctrine de gouvernance du Sénégal qui n’a jamais été libérale et patriotique et devra l’être pour que nous nous mettions sur le chemin du développement. Comme nous le disions à Ousmane Sonko commentant son livre « Solutions », il ne s’agit pas pour nous de libérer l’État de l’étranger seulement mais plutôt de libérer le peuple lui-même de son État et de sa classe politique à renouveler.

La politique du ôte-toi que je m’y mette pour les frustrés du pouvoir qui ont élu Macky Sall ou qui n’ont pas pu le rejoindre ne peut pas fédérer les Sénégalais. De ce fait, nous exhortons la coalition «Yewwi Askan Wi » de nous définir son slogan et de clarifier ce sur quoi ils peuvent d’ores et déjà s’entendre dans le fond, car l’opposition au régime n’est pas suffisante pour nous.

Le Sénégal n’a pas de problème fondamental de gouvernance, ni de liberté politique, ni d’allocations des ressources. Nous disions dans une interview du magazine Réussir de décembre 2018 que « trois raisons peuvent justifier une alternance politique de façon générale. La première est la corruption et un mécontentement quant à la gestion sur le plan éthique des acteurs. La deuxième est que les gestionnaires de l’appareil d’État manquent d’efficacité et d’efficience ou allouent les ressources publiques de manière inéquitable. La troisième est qu’il faut alterner pour une meilleure stratégie de développement, c’est-à-dire comment faire pour que le gâteau Sénégal soit plus large. Il ne s’agit dans ce dernier cas, ni de corruption systémique, ni d’allocation des ressources ou d’efficacité dans la gestion, mais d’améliorer le processus de développement du pays et de création de richesse.

Pour nous, ce n’est pas un plan de l’État central qui va le réaliser. Notre problème est culturel car on pense que le développement se fera avec notre État central si seulement nous pouvions le libérer de l’influence étrangère. C’est une erreur. Nous pouvons avoir une économie qui crée de la croissance inclusive auto-entretenue par des ressources qui ne viennent pas du pétrole ou du gaz ou de l’étranger, mais du génie de chaque Sénégalais et de sa communauté locale. La question est le comment.

La coalition nous doit une réponse à cette problématique, et les tenants des assises nationales, un contenu de politiques publiques pour prendre en charge les préoccupations bien campées de ces assises. La mise en place de pôles régionaux annoncés en est un élément essentiel et la coalition devra nous donner un signal clair sur les leaders pressentis de ces pôles et surtout leur vision par rapport à l’ensemble Sénégal. Celui de Dakar sera révélateur.

Librement.

Abdourahmane Sarr est président CEFDEL, Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp

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