Corruption, concussion, détournement de deniers publics. Des actes graves fortement condamnés par la loi sénégalaise et qui ont valu la prison à nombre de personnalités. D’ailleurs, présumé avoir détourné un peu plus d’un milliard de francs CFA, Khalifa Sall, maire de Dakar est dans les liens de la détention depuis sept mois. Mieux, il n’a pas pu bénéficier de son immunité parlementaire qu’on veut lui enlever aujourd’hui sur demande du Procureur de la République. Mais, doit-il être la seule personnalité publique à se retrouver dans un hôtel zéro étoile ? Et pour cause, actunet revient pour rappeler avec insistance le contenu du rapport 2014-2015 de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) sous l’ère Nafi Ngom Keïta. Deux dossiers ont particulièrement attiré notre attention. Il s’agit de celui d’El Hadji Seck Ndiaye, ancien directeur des transports publics, devenu par la suite président du Conseil d’administration du Fonds d’Entretien routier autonome du Sénégal (FERA). À son propos, le rapport de l’Ofnac indiquait que «les enquêteurs ont conclu en l’existence d’un délit de concussion, prévu et réprimé par les articles 156 à 158 du Code pénal.» Arrêté et mis sous mandat de dépôt, il a été nommé par Décret présidentiel.
L’autre, s’appelle Cheikh Oumar Hann, du nom du Directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud). Sans détours, l’Ofnac avait demandé qu’il soit relevé de ses fonctions pour entrave à l’exécution normale d’une mission de vérification et prendre toutes les mesures utiles pour qu’il ne lui soit plus confié la responsabilité de diriger un organisme public. Le rapport issu des enquêtes et investigations menées à la suite d’une dénonciation d’actes de fraude et de corruption, et établi, conformément aux normes professionnelles, accompagné des éléments probants recueillis, a été transmis à l’Autorité judiciaire compétente pour que les poursuites soient engagées. Visiblement, certains dossiers sont mis sous les coudes. Parmi tant d’autres apparemment rangés dans les tiroirs, voici les dossiers qu’il faut relire et qui concernent des pontes de l’Alliance pour la République (Apr).
Direction des transports publics
L’enquête effectuée sur la base d’une dénonciation anonyme a montré l’existence d’un groupe d’agents se livrant, au sein du Service régional des Transports terrestres de Louga, à des pratiques de corruption et de concussion dans le domaine de l’établissement des permis de conduire, du traitement des dossiers d’agrément et de licences de transport.
L’enquête a permis de constater qu’il était réclamé aux usagers le montant de cent cinquante mille (150 000) francs CFA pour le passage du permis en un seul jour et cent mille (100 000) francs CFA, si c’est au-delà de quinze jours. En outre, il était exigé des usagers les montants pour le paiement des droits de mutation et de timbres, pratique qui ne s’explique pas pour une administration qui n’est pas une régie financière et qui n’est habilitée par aucun texte à s’immiscer dans cette matière. De tels faits sont accomplis
en violation flagrante du Code général des Impôts. Ces pratiques ont été constantes sur plusieurs années. Les diligences effectuées renseignent sur le fait qu’elles ont été facilitées par les délais longs de traitement des dossiers. Pour faire prospérer leurs activités illicites, les agents mis en cause imposent leurs propres procédures, laissant de côté les instructions tendant à exiger l’application de délais raisonnables. En effet, pour soulager les citoyens, le Ministère des Infrastructures et des Transports terrestres a initié des actes (la lettre circulaire n°000015/MITTD/DTR du 09 janvier 2014, notamment) pour fixer les délais d’un mois pour le traitement des dossiers visés. Ce Ministère a ainsi travaillé à la réduction des délais pour accroître l’efficacité de ses services, mais le comportement des agents mis en cause annihile ces efforts.Compte tenu de tout ce qui précède, les enquêteurs ont conclu en l’existence d’un délit de concussion, prévu et réprimé par les articles 156 à 158 du Code pénal. Le rapport a donc été transmis à l’Autorité judiciaire compétente pour que les poursuites soient engagées.
Les enquêteurs ont conclu en l’existence d’un délit de concussion, prévu et réprimé par les articles 156 à 158 du Code pénal
Coud de Cheikh Oumar Hann
Suite à une dénonciation alléguant l’existence de dysfonctionnements et de graves irrégularités dans la gestion du Centre des Œuvres universitaires de Dakar (COUD), une mission de vérification a été ordonnée. Le COUD, ciblé par la dénonciation, est un Établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Il est créé par la loi n°66-23 du 1er février 1966 et le décret n°75-890 du 23 juillet 1975 fixe ses règles d’organisation et de fonctionnement. L’analyse des faits allégués dans la lettre de dénonciation fait ressortir les principaux éléments suivants concernant la gestion du COUD : – des insuffisances organisationnelles avec notamment, le cumul de fonctions incompatibles ; – le fractionnement des commandes dans les marchés ; – l’octroi de subventions irrégulières ; – des pratiques de détournements de deniers publics. La mission de vérification a permis de faire les principales constatations suivantes : 1. dans le cadre de la vente de matières réformées du COUD, un Commissaire-priseur a été désigné. Il a établi un procès-verbal de vente mobilière daté du 09 juillet 2014. Ce procès-verbal présente le montant de cent cinquante millions cent soixante-et-un mille sept cent vingt (150 161 720) francs CFA comme produit de la cession des diverses matières réformées.
De ce montant, le Commissaire-priseur n’a reversé au COUD que cinquante-neuf millions trois cent quatre-vingt-onze mille quatre cent quatre-vingt (59 391 480) francs CFA. Les divers frais de la procédure de vente facturés par le Commissaire-priseur représentent le montant de quatre-vingt-dix millions sept cent soixante-dix mille deux cent quarante (90 770 240) francs CFA. Sur les actes posés par le Commissaire-priseur, les vérificateurs ont relevé que :
Pour ce qui le concerne, le Commissaire-priseur, entendu sur procès-verbal, a reconnu avoir encaissé la TVA et les droits d’enregistrement sans procéder à leurs reversements au Trésor public ;
Dans le cadre des subventions, un montant total de quatre cent cinquante-quatre millions quatre cent soixante-seize mille quatre-vingt-et-un (454 476 081) francs CFA a été accordé par le COUD à divers bénéficiaires en 2014 et 2015. Plus de deux cent seize millions trois cent quarante-trois mille trois cent vingt-trois (216 343 323) francs CFA de subventions ont
été accordées en 2014 et plus de deux cent trente-huit millions cent trente-deux mille sept cent cinquante-huit (238 132 758) francs CFA pour les huit (8) premiers mois de 2015. Les vérificateurs ont constaté que, pour l’essentiel, ces subventions concernent des montants importants versés à des agents du COUD ou remis au Régisseur, sans précision de leur objet.De ce point de vue, ils font remarquer que les subventions, dans le principe, devraient être versées principalement à des personnes physiques ou morales extérieures au COUD. 3. Le montant des subventions sans bénéficiaires, d’après le grand livre comptable 2014, s’élève à trente-cinq millions vingt mille (35 020 000) francs CFA. Elles ont été accordées par le Directeur entre le 1er et le 15 octobre 2014. L’Agent comptable n’a pu présenter les pièces justificatives à l’appui des paiements sans bénéficiaires, au nombre de quatre (4) :
Par ailleurs, le Directeur du COUD a accordé ces subventions en violation de la procédure prévue qui exige l’autorisation du Conseil d’Administration (CA) comme préalable. En effet, l’article 13 du décret n° 75-890 du 23 juillet 1975 fixant les règles d’organisation et de fonctionnement du centre des œuvres universitaires de Dakar exige l’autorisation préalable du CA. Il a également été constaté que, dans le cadre des subventions, le Directeur a effectué un certain nombre de dépenses à l’occasion d’une cérémonie de visite au Campus, le 31 juillet 2015. C’est ainsi que les vérificateurs ont constaté le versement de subventions au Régisseur pour les dépenses suivantes :
En effet, sur les huit (8) millions de francs CFA déclarés, l’état des paiements indique que sept (7) millions de francs CFA ont bien été payés à des étudiants représentant leur structure. Le reliquat, c’est-à-dire un million (1 000 000) de francs CFA, est resté non justifié. Même pour ce qui concerne ces subventions versées aux étudiants, il est constaté que l’état des paiements présentés indique le 30 juillet 2015 comme date de règlement. Il s’agit là d’une nouvelle sortie d’argent par le moyen des subventions pour des dépenses déjà payées.
Les paiements, pour un montant total de quatre-vingt-deux millions (82 000 000) de francs CFA ont été faits, en l’absence de pièces justificatives requises. Compte tenu des montants engagés, des procès-verbaux de réception étaient nécessaires avant tout paiement pour ce qui concerne les matières à acquérir. Cela n’a pas été fait. Le Régisseur s’est contenté de déclarer que les costumes ou autres habillements étaient à la discrétion du Directeur qui, seul, pouvait en répondre.
Relever de ses fonctions, le Directeur du COUD pour entrave à l’exécution normale d’une mission de vérification et prendre toutes les mesures utiles pour qu’il ne lui soit plus confié la responsabilité de diriger un organisme public.
Le présent rapport issu des enquêtes et investigations menées à la suite d’une dénonciation d’actes de fraude et de corruption, et établi, conformément aux normes professionnelles, accompagné des éléments probants recueillis, a été transmis à l’Autorité judiciaire compétente pour que les poursuites soient engagées.
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