C’est un réquisitoire sans détour que Moustapha Diakhaté a livré hier ,L’ancien député et ex-chef de cabinet du président Macky Sall est monté au créneau pour dresser un tableau sévère — pour ne pas dire accablant — des seize premiers mois de gouvernance du président Bassirou Diomaye Faye. Une sortie au vitriol où les mots, choisis avec soin, trahissent une profonde inquiétude quant à l’avenir institutionnel, politique et économique du Sénégal.
Une attaque frontale contre l’exécutif
Dès les premières minutes de son intervention, Moustapha Diakhaté n’a pas mâché ses mots. « 16 mois de clochardisation de la République », a-t-il lâché d’un ton grave, fustigeant ce qu’il considère comme une lente mais sûre érosion des fondements républicains. Pour l’ancien parlementaire, la rupture annoncée par le duo Faye-Sonko s’est muée en une « guerre contre l’État de droit et une restriction brutale des libertés ».
Il s’appuie notamment sur la toute première décision présidentielle : l’abrogation du décret de nomination du président de la Cour suprême. Une mesure qui, selon Diakhaté, viole les principes constitutionnels et sape l’indépendance du pouvoir judiciaire. « Ce n’est pas un acte de réforme, c’est un coup porté à l’architecture républicaine », martèle-t-il.
Une dissolution parlementaire jugée « cavalière »
Autre point de discorde majeur : la dissolution de l’Assemblée nationale en pleine session extraordinaire. Pour Diakhaté, cette décision n’a rien d’innocent. Il y voit une stratégie politique destinée à « protéger le Premier ministre Ousmane Sonko » d’une motion de censure que préparait, selon lui, l’ancienne majorité Benno Bokk Yakaar (BBY).
Il s’interroge également sur la gestion du calendrier électoral, qu’il qualifie de « manipulation institutionnelle ». Selon lui, la rétention par le président de la lettre du Conseil constitutionnel pendant 64 jours a gravement biaisé le processus électoral, ne laissant que dix jours aux partis d’opposition pour se préparer. Une manœuvre qu’il considère comme une « entorse manifeste au principe d’équité ».
Un plan économique « sans boussole »
Sur le terrain économique, Moustapha Diakhaté enfonce encore le clou. Le plan de redressement économique mis en avant par le nouveau pouvoir ? « Une catastrophe », tranche-t-il. Il accuse le gouvernement de proposer un programme « ni légal, ni légitime », faute d’approbation parlementaire, et surtout « déconnecté des réalités sociales ».
« Ils parlent de rigueur budgétaire, mais n’osent pas s’appliquer leurs propres mesures. Le train de vie de l’État reste inchangé, l’endettement progresse, et la jeunesse est laissée pour compte », dénonce-t-il, pointant un déficit de vision et un manque de courage politique.
Promesses trahies et jeunesse désabusée
La jeunesse, justement, reste au cœur de sa charge contre le régime. Diakhaté ironise sur les promesses électorales du président Faye et de son Premier ministre Sonko. « Ils leur avaient promis la richesse, aujourd’hui, c’est à eux qu’ils demandent de l’argent », raille-t-il, en référence aux appels à contribution populaire lancés par certains leaders du nouveau pouvoir.
Pour lui, ce retournement de posture traduit un « reniement » des engagements pris durant la campagne et nourrit un désenchantement croissant parmi les jeunes électeurs qui avaient massivement soutenu l’alternance.
Un message politique ou une stratégie de repositionnement ?
Si les critiques de Moustapha Diakhaté visent directement le sommet de l’État, elles relèvent aussi d’un positionnement politique clair. Ancien proche du pouvoir, figure intellectuelle connue pour ses prises de position tranchées, Diakhaté semble vouloir se repositionner comme une voix incontournable de l’opposition républicaine.
Reste à savoir si cette offensive, aussi virulente soit-elle, trouvera un écho au sein d’une opinion publique encore partagée entre espoir de changement et désillusion naissante.
- En attendant, le message est clair : pour Moustapha Diakhaté, l’alternance incarnée par Bassirou Diomaye Faye n’a pas tenu ses promesses. Pire, elle aurait enclenché une dangereuse régression républicaine.