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Mbougar Sarr gagnerait à clarifier sa position par rapport à l’homosexualité (critique littéraire)

Un critique littéraire, c’est une mémoire livresque considérable adossée à une vaste culture, à un esprit de découverte, à un fort pouvoir d’analyse et à un vrai talent d’écrivain. Pour séparer la bonne graine de l’ivraie par rapport à toutes les émotions suscitées par le prix Goncourt 2021 attribué à l’écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, Waly Ba est comme Bernard Pivot une voix autorisée pour éclairer la lanterne des Sénégalais sur cette consécration littéraire qui a créé un malaise chez certains dans le pays. Professeur de français, éditeur, critique littéraire et écrivain, Waly Ba revient, dans cette interview accordée à «L’As» sur le talent du jeune lauréat, sa position «mitigée» sur l’homosexualité, analyse les niveaux de lecture d’une œuvre d’art. A ses yeux, il est «grossier de «brûler» une œuvre d’art, si l’on n’est pas sûr d’en avoir saisi la quintessence.

Certains de ses détracteurs soupçonnent des lobbies LGBT d’être derrière lui. Cette hypothèse est-elle compréhensible ?

Personne n’ignore plus aujourd’hui la puissance tentaculaire des lobbies LGBT ; tout le monde sait aussi qu’ils n’hésitent plus à trouver des relais partout, dans tous les domaines d’activités où ils espèrent trouver une oreille attentive, un regard sympathique, un bras armé ou quelque chose de ce genre. Mais objectivement, je n’ose pas penser que notre jeune compatriote puisse se laisser aussi facilement manger à cette sauce. Mbougar Sarr est issu de bonne famille, et je crois que son passage au Prytanée militaire a aussi dû contribuer à consolider son éducation morale. Mieux encore, nous ne devons pas perdre de vue qu’il y a de beaux esprits, des intellectuels très responsables, qui ont pris ce garçon sous leur aile. J’ai nommé Felwine Sarr et Boubacar Boris Diop. Et franchement, je n’ose pas croire que ces deux éminents intellectuels, très attachés aux valeurs profondes du terroir, vont pousser leur poulain dans la gueule du loup. J’ai l’intime conviction que tout ce qu’il a écrit ces dernières années, ils l’ont vu et l’ont lu avec un œil critique avant publication ; et que s’ils ont validé, c’est parce qu’ils ont eu l’intime conviction que ce n’était pas impropre à la consommation. Par ailleurs, je crois quand même que Mbougar Sarr gagnerait à clarifier sa position par rapport à cette triste réalité des temps modernes qu’est l’homosexualité. Ce que je veux dire par là est que, au-delà de Mbougar Sarr l’artiste, le créateur et le romancier, il y a l’autre Mbougar, l’homme social. Celui-là doit se donner la peine et les moyens de rassurer la communauté à laquelle il appartient en lui donnant notamment la preuve que certains délires déviationnistes et transgressifs de certains de ses personnages ne l’engagent pas ; qu’il n’a fait que monter des scènes dérangeantes et tumultueuses pour «saigner» les consciences, pour forcer la réflexion sur des sujets catalogués «tabous». Moi, j’aime bien

la belle littérature, la belle écriture, le beau style ; autant de qualités que Mbougar Sarr possède définitivement. Cependant, il cesserait d’emporter ma sympathie si le Sénégalais qu’il est, l’Africain, le Musulman qu’il est, s’était clairement déterminé en faveur de l’homosexualité. Je l’aurais tout bonnement «abandonné» et aurais sans doute cessé de le lire. Mais en l’état actuel des choses, je ne peux pas me permette de jeter l’opprobre sur lui en me fondant sur des extraits coupés de leur relation organique avec l’ensemble de ses œuvres auxquelles ils sont empruntés. Malheureusement, vous avez dû le constater, c’est l’exercice auquel se sont prêtés un certain nombre de maîtres-censeurs, qui ne semblent pas, d’ailleurs, comprendre grand-chose à la littérature et aux impératifs esthétiques qui la sous-tendent. Quand un d’entre eux traite les Sénégalais de complexés en déclarant trouver anormal et insensé qu’ils se bousculent dans les librairies pour s’arracher le livre de Mbougar Sarr, moi je dis qu’il y a danger. C’est vraiment là une «défaite de la pensée», pour reprendre le titre mythique du chef d’œuvre d’Alain Finkielkraut. C’est plutôt le contraire qui devrait étonner, c’est-à-dire le fait que prix lui soit attribué et que ses compatriotes ne fassent pas montre d’une telle bruyante curiosité.

Avec L’As

camou camara

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