Leçons d’éducation politique #2 : L’État n’est pas notre ami par Ameth DIALLO, coordinateur national de Gox Yu Bees

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On entend souvent dire que les États n’ont pas d’amis, mais uniquement des intérêts.

Cette phrase, utilisée pour décrire les relations entre nations, cache une vérité encore plus large : l’État n’a pas d’amis, même parmi ses propres citoyens.

L’État, un système de raquettes et de prédation organisée et légitimé.

Qu’il soit monarchique, républicain ou religieux, il se renforce, se protège et garantit sa propre survie avant tout.

Cette logique traverse toute l’histoire humaine, s’incarne dans des symboles de pouvoir tels que les palais, les temples, les voitures de luxe, les cortèges les avions officiels et repose sur une dynamique implacable : se servir avant de servir.

Depuis sa genèse, l’État a toujours fonctionné comme une machine organisée pour capter les richesses produites par le peuple et les rediriger vers ses propres ambitions, bien avant de s’occuper des besoins des populations.

Dans l’Égypte antique,

les pharaons imposaient des prélèvements massifs aux paysans pour financer des pyramides, des temples et des armées, tout en maintenant un faste impressionnant pour asseoir leur pouvoir absolu. Les paysans travaillaient dans des conditions inhumaines pour construire des monuments dédiés à glorifier leurs dirigeants, tandis qu’eux-mêmes vivaient dans la misère.

Dans les royaumes anciens,

les rois collectaient des impôts sous forme de vivres, d’or ou de travail forcé pour : Construire des palais et des forteresses, symboles de leur domination. Maintenir le faste de la cour royale, avec des cérémonies somptueuses, des banquets et des privilèges exagérés.Financer des guerres, pour étendre leur territoire ou réprimer des révoltes.

Dans les États modernes,

cette logique persiste : les palais présidentiels, les flottes de voitures de luxe, les avions officiels et les événements grandioses continuent de montrer la continuité d’un système qui privilégie son apparat au détriment du bien-être des citoyens.

Même les États fondés sur des principes religieux, qui devraient théoriquement incarner une certaine moralité ou humilité, ne dérogent pas à cette règle.

Des milliards sont dépensés pour construire des palais spirituels, des temples, des cathédrales, des mosquées monumentales.

Ces édifices, censés refléter la gloire divine, deviennent souvent des symboles de pouvoir terrestre.

Les dirigeants des institutions religieuses, parfois à la tête d’États comme le Vatican, bénéficient d’un train de vie qui contraste fortement avec celui des fidèles. Voitures de luxe, résidences somptueuses, voyages coûteux : les États religieux s’organisent eux aussi pour se servir.

Alors que des milliards sont investis dans des cérémonies et monuments, une grande partie des fidèles vit dans le dénuement. Beaucoup trouvent néanmoins une certaine fierté dans ces symboles de puissance, sans réaliser qu’ils en sont les principales victimes.

Cette logique montre que même les systèmes basés sur la foi ne sont pas exempts de la dynamique de prédation. Ils utilisent la spiritualité comme un outil pour légitimer des dépenses somptuaires et maintenir une emprise sur les masses.

Une question essentielle demeure : pourquoi les États, malgré ces abus, continuent-ils de fonctionner ainsi avec le consentement implicite des populations ?

La réponse réside dans la psychologie des masses.
Le peuple, dans sa majorité, se laisse impressionner par la grandeur, le faste et la mise en scène du pouvoir.

Les États dépensent des sommes colossales pour organiser des événements qui montrent leur puissance. Ces spectacles impressionnent les masses, qui associent souvent cette grandeur à une forme de légitimité et de stabilité.

Les palais présidentiels, les résidences somptueuses, et les infrastructures luxueuses servent à maintenir une image de domination.

Les cortèges entourés de gardes du corps, les défilés militaires, et les protocoles sophistiqués impressionnent les populations et suscitent une obéissance instinctive.

Beaucoup de gens, même lorsqu’ils vivent dans la pauvreté, trouvent une certaine fierté à voir leur pays afficher une image de richesse et de prestige.

Ce besoin d’admiration et cette crédulité permettent aux États de perpétuer leur logique de prédation.

Les masses, impressionnées par ces mises en scène, obéissent sans remettre en question leur pertinence.

Le piège pour les leaders : la logique de l’État absorbe ceux qui ne la comprennent pas.

Un autre phénomène explique pourquoi tant de leaders qui critiquaient l’État finissent par adopter les mêmes pratiques une fois au pouvoir : ils ne comprennent pas totalement la logique de l’État.

Lorsqu’on est à l’extérieur du système, il est facile de critiquer ses abus, de dénoncer ses privilèges et de promettre des réformes. Mais une fois à l’intérieur :

L’État absorbe.
Le système offre des privilèges (logements de fonction, voitures de luxe, voyages officiels) et impose une logique de survie qui pousse les dirigeants à oublier leurs idéaux.

La complexité administrative neutralise.
Le leader, confronté à la bureaucratie étatique, devient prisonnier d’un système qu’il voulait transformer.

Si un leader ne comprend pas profondément la logique de l’État, il devient lui-même un rouage du système. C’est ainsi que beaucoup de leaders, portés par l’espoir des populations, finissent par reproduire les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs.

Dans le tome 1 de mon livre Sénégal Bu Bees, je dis ceci :

Certains disent que la confiance n’exclut pas le contrôle, mais je dis que quand il s’agit des affaires d’État, il ne faut surtout pas faire confiance. Le contrôle systématique et la suspicion permanente sont nos seules armes contre les abus de pouvoir. Même les systèmes de contrôle doivent être surveillés. Avec les nouvelles technologies, nous avons les moyens d’instaurer une démocratie fondée sur un contrôle permanent. Soyons des obsédés du contrôle. Chaque dépense, chaque projet, chaque réforme doit être scrutée avec attention.

La jeunesse ne doit pas attendre passivement que l’État change.

Elle doit :

S’organiser pour imposer des réformes courageuses.

Exiger des comptes sur la gestion des ressources publiques et les dépenses somptuaires.

Développer une culture de méfiance constructive, en exigeant une transparence totale.

L’État n’a pas d’amis, il n’a que des intérêts.

Ces intérêts passent avant ceux des citoyens.

Cependant, cette réalité ne doit pas conduire à la résignation.

Elle doit inciter à :

Une vigilance constante.

Un contrôle systématique et sans complaisance.

Une remise en question de toutes les mises en scène.

Le peuple ne doit pas se contenter d’être impressionné.

Il doit exiger que les ressources de l’État servent d’abord son développement et son bien-être.

Un État juste est possible, mais seulement si nous avons le courage de le surveiller, de le contrôler et de le transformer.

Ameth DIALLO

Coordinateur national de Gox Yu Bees

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