AccueilActualitésLe Pastef est-il condamné à redevenir un parti d'opposition ?

Le Pastef est-il condamné à redevenir un parti d’opposition ?

Le paradoxe est saisissant. Dix ans après sa création par un groupe d’inspecteurs des Impôts et Domaines, Pastef est devenu — chiffres à l’appui — le premier parti du Sénégal : il détient la présidence de la République, contrôle l’Assemblée nationale avec une majorité écrasante de 130 députés sur 165, et reste, sociologiquement, la formation la plus représentative du pays. Pourtant, le parti fondé par Ousmane Sonko donne toujours l’impression d’être… dans l’opposition.

Depuis plusieurs semaines, les tensions internes éclatent au grand jour. Et la nomination de Mme Aminata Touré comme coordonnatrice de la coalition « Diomaye Président » a ouvert une crise profonde, ravivant des soupçons de fracture au sommet entre Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko. Dans les rangs, les voix divergent, les langages se brouillent, et la cohésion qui faisait la force du parti vacille.

L’aveu d’Ayib Daffé, l’un des cadres historiques, en dit long : « Dans mon expérience politique, je n’ai jamais traversé ce genre de situation. » Sans sombrer dans le catastrophisme, il reconnaît des « difficultés » réelles, tout en assurant que les Patriotes sont « préparés » à surmonter la tempête. Une manière de relativiser une crise que d’autres préfèrent dramatiser.

Car pendant que le député apaise, des figures majeures comme Waly Diouf Bodiang, Fadilou Keita, Khadija Mahecor Diouf et Cheikh Bara Ndiaye, entre autres tirent la sonnette d’alarme. Ils dénoncent ouvertement les « pratiques peu orthodoxes » du chef de l’État et la stratégie inclusive de Mimi Touré, accusée d’ouvrir « une porte dérobée » aux acteurs du « système ». Le directeur général du port de Dakar parle même d’une manœuvre pour « reprendre le pouvoir », signe d’une méfiance désormais installée.

Le conflit s’est d’ailleurs déplacé sur un terrain nouveau : le numérique. Plus de 40 000 internautes se revendiquant « pro-Sonko » se sont désabonnés des comptes du président Diomaye Faye au cours du week-end. Un acte symbolique, mais lourd de sens. Jamais, jusque-là, la base militante ne s’était affichée aussi frontalement divisée.

Par conséquent, l’opposition exulte. Elle observe un parti au pouvoir qui agit comme s’il devait encore renverser un régime. Pire, certains se demandent si Pastef, dissous hier par Macky Sall puis réhabilité par l’amnistie, n’est pas resté mentalement dans l’opposition. L’image du président accueilli à Luanda par une foule portant des t-shirts à son effigie — et non celle du parti — a achevé de semer le trouble : rupture symbolique ou simple protocole ?

Une certitude s’impose. Selon des révélations faites dans la presse, le président Bassirou Diomaye Faye ne semble pas prêt à se séparer de Mimi Touré. Or Pastef, lui, dit ne plus se reconnaître dans les actes de l’ancienne Première ministre.

Mais le chef de l’État peut-il gouverner durablement avec une équipe que son propre parti désavoue ?

La question reste ouverte. Et c’est sans doute là que se joue l’avenir. Pastef n’est peut-être pas condamné à être un parti d’opposition… mais il pourrait bien devenir un parti d’opposants entre eux.

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