Le Sénégal vient de franchir un pas audacieux et porteur de sens dans la révision de ses relations militaires internationales. La décision des nouvelles autorités de mettre fin à l’implantation de certaines bases militaires étrangères sur le territoire sénégalais, qu’elles soient françaises, américaines ou d’autres puissances, est certes une démarche courageuse, mais qui soulève des interrogations profondes sur notre souveraineté, nos alliances et notre rôle stratégique dans un monde globalisé où les enjeux sécuritaires sont de plus en plus complexes.
Un choix audacieux, mais pas sans réflexion
Cette décision, qui se veut avant tout symbolique et stratégique, va dans le sens de la préservation de la souveraineté nationale, un principe qui semble souvent mis à mal dans un contexte international où les puissances mondiales cherchent à influencer les décisions politiques et économiques des États. Il est indéniable que les bases militaires étrangères sur le sol sénégalais ont joué un rôle, parfois bénéfique, dans la sécurisation de certaines zones sensibles, notamment dans la lutte contre le terrorisme ou pour contrer les menaces sur la stabilité régionale. Mais à quel prix ? Une souveraineté nationale n’est-elle pas partiellement diluée quand des puissances étrangères déploient leurs forces militaires sur notre sol, quand bien même elles participent à des missions de maintien de la paix ?
Le choix de casser ces bases est donc un acte de rupture, un geste fort, mais qui demande une analyse fine des conséquences à long terme. Si cette décision peut être perçue comme un retour aux principes de non-ingérence et de souveraineté totale, elle n’en demeure pas moins un défi de taille. Il ne suffit pas d’ôter des bases pour que la sécurité du pays soit assurée de manière immédiate et sans conséquence. Ce choix requiert une réflexion stratégique, notamment en termes de renforcement des capacités militaires locales, de diversification des partenariats de sécurité, et de gestion des nouvelles menaces qui ne connaissent pas de frontières.
Souveraineté et sécurité : un duo indissociable
Un pays qui se dit souverain ne peut, en toute logique, continuer à abriter des bases militaires étrangères. En effet, une telle présence militaire étrangère, même sous couvert de coopération, soulève une question fondamentale : un État peut-il être vraiment souverain lorsqu’il délègue une partie de sa sécurité à des puissances extérieures ? Certes, les conventions militaires sont souvent signées pour de multiples raisons : la coopération dans la lutte contre le terrorisme, la formation des armées locales, les accords de défense mutuelle. Mais à partir de quel moment ces accords deviennent-ils trop intrusifs et empiètent-ils sur l’indépendance d’un pays ?
Le Sénégal, en tant que nation indépendante, ne peut plus se contenter d’être un simple terrain d’entraînement pour des armées étrangères. Les bases militaires, si elles sont nécessaires dans certains contextes diplomatiques et stratégiques, ne devraient pas constituer une forme de dépendance sécuritaire. À long terme, la souveraineté du pays passe par une armée sénégalaise forte, formée selon nos besoins spécifiques, et équipée pour défendre notre territoire et nos intérêts.
Cela n’exclut en aucun cas la coopération militaire, qui doit être maintenue et renforcée avec nos alliés naturels. Mais cette coopération, qui peut se traduire par des exercices communs, des échanges de renseignement ou des collaborations sur le terrain, doit être régie par des accords clairs et respectueux de notre indépendance. Nos autorités ont raison de privilégier des partenariats sur la base de l’échange et non de la dépendance.
Un appel à la responsabilité collective
Cette décision de fermer certaines bases militaires étrangères est un acte politique majeur qui doit être soutenu et accompagné par la population. Mais il est impératif que cette démarche soit également accompagnée d’une prise de responsabilité collective. Car si la souveraineté nationale est un principe fondamental, elle doit être soutenue par une politique de sécurité nationale solide et une armée bien préparée. Les autorités ne peuvent pas faire tout le travail seules.
Il est nécessaire que le Sénégal, à travers ses autorités politiques et militaires, mette en place un plan de révision stratégique de sa défense, pour garantir que la sécurité nationale ne soit pas un simple vœu pieux. La population doit comprendre que ce choix de rupture avec les bases étrangères ne doit pas signifier une faiblesse ou une porte ouverte à l’insécurité, mais plutôt le prélude à une indépendance renforcée, où le pays prend en main sa propre défense.
Les citoyens doivent aussi être conscients des enjeux géopolitiques. Si le Sénégal décide de se passer de bases étrangères, cela ne veut pas dire qu’il se coupe du monde. Bien au contraire, il devra intensifier ses relations diplomatiques et militaires avec d’autres partenaires, mais toujours dans le respect de sa souveraineté. La responsabilité incombe donc à chacun : soutenir la souveraineté du pays tout en participant activement au renforcement de ses capacités de défense.
Un pas vers une souveraineté retrouvée
La décision de supprimer ces bases militaires étrangères constitue une démarche audacieuse, mais elle s’inscrit dans une vision de souveraineté retrouvée. Elle rappelle que, pour qu’un pays soit véritablement indépendant, il doit aussi être en mesure de contrôler son propre destin, y compris en matière de sécurité. La route est certes semée d’embûches, mais ce chemin vers une indépendance militaire est celui qui, à terme, permettra au Sénégal de se positionner comme un acteur respecté sur la scène internationale, un acteur libre, fier et souverain.
Le courage des autorités sénégalaises mérite d’être salué, mais c’est à la population de soutenir cette décision, de faire preuve de maturité et de responsabilité, afin que ce tournant stratégique se transforme en un véritable modèle de souveraineté et de sécurité pour l’Afrique.
Aliou Top pour Sunugal 24