Ils ont porté haut le flambeau du Sénégal. Aujourd’hui, leurs proches rasent les murs à la seule évocation de leurs noms. Plus que des stars, Lamine Diack, Thione Seck, Tahib Socé et bien d’autres étaient des références pour les Sénégalais. Ils étaient surtout des fiertés nationales.
Des gens sur qui les Sénégalais pouvaient compter. Leur chute dans les méandres de l’enfer terrestre, ils le doivent à l’argent, cet instrument d’échanges devenu tellement indispensable qu’il est impensable pour beaucoup d’en manquer. Tous ont pourtant la particularité de dépasser la soixantaine. Donc des gens murs.
Lamine Diack, avec ses 82 ans, rêvait, déjà, de jouir d’une retraite paisible à côté de ses fils et petit-fils. Thione, le parolier de la musique sénégalaise avait déjà bénéficié d’une relevé sûre dans sa famille en la personne de son fils. Tahib était un grand donneur de leçons, très dur parfois, intraitable sur les lois religieuses, pour les nombreux fidèles dont certains ne rataient pas ses prêches. Ils ont pourtant tous maille à partir avec la Justice.
Le cas du fils de Lamine, Massata Diack, fait aujourd’hui la Une de la presse même en dehors du Sénégal trempé comme son père dans le scandale en tant qu’agent marketing de l’IAAF. Son extradition ne sera pas certainement envisagée, mais l’homme est déjà sous le coup d’un mandat d’arrêt international qui l’empêchera de mettre désormais le pied à l’étranger bloquant ainsi ses affaires et son travail. Mais, le plus grave, c’est qu’il aura du mal à sortir dans la rue. Et ils ne sont pas les seuls : La magistrature est clouée au pilori, des leaders politiques à l’avenir prometteur ne cessent de subir des attaques allant dans le sens de leur reprocher leur enrichissement.
Karim Wade, le fils de l’ancien président, est condamné à 6 ans de prison pour enrichissement illicite, Idrissa Seck a démenti avoir eu un contentieux de 74 milliards avec son ancien mentor Wade. Entre Tanor et Niass, on parle de fonds Taiwanais, d’argent du pétrole…Comme quoi, pratiquement personne n’est épargnée.
Il en est ainsi du promoteur de lutte Luc Nicolaï dont la peine vient d’être alourdie en appel, trempée qu’il aurait été dans une affaire de drogue, de chantage et d’extorsion de fonds. Les exemples pouvaient être multipliés à loisir. Sans chercher à donner des leçons, au risque de tomber dans la même spirale, on peut se demander s’il s’agit, ici, d’une fatalité. Sommes-nous des saints en apparence et de vrais hors-la-loi en privé ?
Des Sénégalais se posent de plus en plus cette question face à cette avalanche de scandales dont les protagonistes étonnent plus d’un. La réponse coule de source. Notre pays regorge de compétences et de citoyens honnêtes qui se sacrifient à longueur de journée pour l’honneur de leurs familles et de leur Nation.
La réalité est qu’on n’a pas besoin d’être psychologue ou sociologue pour dire que personne n`est à l`abri des dérapages. Sans chercher à justifier une quelconque délinquance à col blanc, il convient de reconnaitre avec l’adage populaire que, « plus on monte, plus la chute est terrible ». Les cas évoqués ne peuvent être perçus que comme des exceptions même si les signes de prévarications à tous les niveaux de la société inquiètent.
La jeunesse peut et doit continuer à être fière d’une Nation ou le sens de l’honneur, de la dignité, du sacrifice au profit de l’autre ont donné des valeurs comme la « teranga », le « jom », le « sutura », le « kersa », etc. La surmédiatisation aidant, on a l’impression que tous les maitres coraniques sont des violeurs, les politiciens des voleurs, les magistrats des corrompus, etc.
Et Me Mame Adama Guèye l’a si bien compris qu’il a eu le courage de présenter, hier, ses excuses aux valeureux magistrats qui ont dû se sentir vexés par ses propos dont il a regretté la manière. Il se trouve malheureusement que nous avons une société qui aime les scandales. Avec des formes de paparazzis, des hommes et des femmes qui cherchent des faiseurs de buzz. Sans faire le procès de la presse qui a aussi ses « brebis galeuses », il convient de reconnaitre que les trains qui arrivent à l’heure n’intéressent personne.
Et que l’on insiste tellement sur les trains en retard que le voyageur a tendance à penser que tous les trains le sont. La nouvelle société de consommation est un espace de sur consommation médiatique dans une anarchie qui laisse peu de place au recul nécessaire à son traitement correct et responsable. Conséquence, la présomption d’innocence ne signifie plus rien. Et plus grave, les institutions comme la Justice subissent les pressions médiatiques et perdent de plus en plus de leur sérénité. Par exemple, dans l’affaire Dsk aux États-Unis, la Juge a dû faire entorse à ses principes et admettre les caméras dans la salle d’audience, exposant le prévenu à la vindicte populaire, avant d’être innocenté du moins pour les charges pénales.
Aujourd’hui, même les chasseurs de buzz ne sont pas épargnés. On a suivi les cas de l’animateur Tang, d’Ahmed Aidara pour ne citer que ceux-là. Ils ont, eux-aussi, dû subir les foudres de cet nouvel ordre de l’information et de la communication qui était loin de celui réclamé par Ahmadou Makhtar Mbow, ce valeureux Sénégalais ayant présidé aux destinées de l’une des plus prestigieuses institutions du monde, l’Unesco.
Les nouvelles technologies ont aggravé une dynamique de presse à caniveaux qui date de la naissance des paparazzis. Tout se passe comme si dans le subconscient de chacun, on cherche le scandale chez l’autre, à le voir mordre la poussière, à l’humilier. Parce que ce type de presse ne se serait jamais développé si elle ne répondait pas à un besoin du consommateur de l’information. Pis, les sujets sérieux sur l’économie, la santé, la pauvreté, entre autres, intéressent peu de gens.
On leur préfère les résultats de la fouille des poubelles des hautes personnalités ou même des citoyens ordinaires même s’il s`agit, parfois, de rumeurs. C’est pour cela qu’il y a, parmi les hommes politiques, des partisans des déclarations qui sortent de l’ordinaire. Des spécialistes de la jactance. Les conférences de presse qu’ils organisent sont de ce fait fréquentes et très suivies. Ils s’attaquent à des citoyens qui ont parfois peu de possibilités de répliquer à la mesure de la charge foudroyante que produit leur matraquage d’informations.
Le protocole de Rebeuss par exemple passionne ainsi que la « rébellion » du Maire Khalifa Sall contre son mentor Tanor. Qu’importe s’ils s’en défendent. Ce qui ne veut pas dire que les medias ont toujours tort. Loin de là. Le plus souvent, il n’y a pas de fumée sans feu.Toutefois, la pression médiatique et populaire est telle que les suspects, accusés et prévenus subissent deux sortes de peines : La condamnation de la Justice et la vindicte populaire qui fait que l’on peut être chez soi et vivre l’enfer.
REWMI