Une photo du libraire hongkongais Lee Bo, porté disparu, lors d’une manifestation le 3 janvier 2016 à Hong Kong
Cet aveu, effectué dans une lettre à la police hongkongaise dont des éléments ont été rendus publics jeudi soir, risque de renforcer les craintes que la Chine ne soit en train de durcir sa mainmise sur l’ancienne colonie britannique.
Les trois hommes travaillent tous pour Mighty Current, une maison d’édition hongkongaise connue pour publier des ouvrages peu amènes envers le gouvernement chinois. Au total, cinq employés de cette société se sont « volatilisés » ces derniers mois.
Lui Por, Cheung Chi-ping et Lam Wing-kee ont disparu en octobre dans le sud de la Chine.
Un quatrième, Gui Minhai, qui a aussi la nationalité suédoise, n’est pour sa part jamais rentré à Hong Kong d’un voyage en Thaïlande en octobre.
Copropriétaire de Mighty Current, il a récemment fait une sidérante confession à la télévision chinoise, dans laquelle il a affirmé être allé en Chine pour assumer ses « responsabilités légales », 11 ans après une condamnation dans une affaire d’accident de la route.
Dans une lettre à la police de Hong Kong, un service du département de la sécurité publique de la province du Guangdong, dans le sud de la Chine, affirme que Lui Por, Cheung Chi-ping et Lam Wing-kee ont été arrêtés car « soupçonnés d’être impliqués dans une affaire liée à un certain Gui » et qu’ils étaient « impliqués dans des activités illégales sur le continent ».
La police chinoise précise qu’une enquête est en cours.
– Washington demande des comptes –
Ce courrier de la police chinoise était accompagné d’une lettre manuscrite du cinquième libraire « disparu », Lee Bo, selon les autorités hongkongaises.
Son cas est celui qui a le plus choqué les Hongkongais, car il s’est volatilisé dans la région semi-autonome, où la police chinoise n’a théoriquement pas le droit d’opérer.
Cette dernière avait récemment reconnu que Lee Bo se trouvait bien en Chine.
Dans le courrier, Lee écrit que les autorités chinoises lui ont indiqué que la police hongkongaise, qui a ouvert une enquête sur sa « disparition », souhaitait le voir.
« Il écrit qu’il n’a pas besoin de rencontrer la police (hongkongaise) pour l’instant, et qu’il la contactera s’il en ressent le besoin », indique dans un communiqué la police hongkongaise, qui ajoute que l’épouse de Lee Bo a reconnu son écriture.
La police précise avoir demandé aux autorités chinoises de pouvoir continuer à suivre la situation des trois hommes, et de nouveau demandé à pouvoir rencontrer Lee Bo.
De nombreuses voix s’élèvent pour accuser Pékin de piétiner le principe du « un pays, deux systèmes » institué avant la rétrocession en 1997. Il avait alors été convenu que Hong Kong conserve son mode de vie et ses libertés pendant 50 ans.
A l’étranger également, l’attitude de Pékin inquiète.
Lundi, le porte-parole du département d’Etat américain, John Kirby, a exhorté la Chine à « clarifier la situation actuelle des cinq (libraires) et les circonstances de leur disparition et à leur permettre de rentrer chez eux ».
Le porte-parole des Affaires étrangères chinoises, Lu Kang, a répliqué mardi qu’il n’était « pas approprié » de la part des Etats-Unis de commenter les affaires intérieures chinoises.
« Les habitants de Hong Kong jouissent de toutes les libertés et de tous les droits que leur confère la loi », depuis la rétrocession, a-t-il assuré.
De son côté, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) a récemment dénoncé l’autocensure et l’emprise grandissante de Pékin sur les médias hongkongais. Certains étudiants et professeurs jugent aussi que les libertés académiques sont menacées.
La contestation d’une réforme électorale impulsée par la Chine avait jeté dans les rues à l’automne 2014 des milliers de Hongkongais qui avaient paralysé la ville pendant des mois lors du « Mouvement des parapluies ».
Mais Pékin n’avait pas bougé d’un iota.

