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GAMBIE : DU TEMPS ET DU TACT POUR SAUVER UN PAYS QUI VIENT DE LOIN. (Par Dr Cheikh Tidiane DIÈYE)

Le feu couve encore sous les cendres électorales en Gambie. Ne jetons pas de l’huile dessus. Nous avons tous été agréablement surpris par la tournure des événements dans ce pays. Je dois le confesser, j’ai été dérouté par l’issue de l’élection présidentielle en Gambie. Je savais bien que le Président Jammeh pouvait être battu. Mais je n’avais pas imaginé une seule seconde qu’il pouvait céder le pouvoir avec autant de détachement, en moins de quarante huit heures, nous offrant au passage un spectacle digne des grandes démocraties, en appelant en direct celui qui l’a défait pour le féliciter.
Après avoir été un Président atypique, pour dire le moins, Yaya Jammeh a cédé le pouvoir après vingt deux ans alors que peu de personnes s’y attendait. J’ignore totalement ce qui s’est passé dans ce pays frère de Gambie. Peut-être il y a t-il anguille (de tractations et marchandages)  sous la roche (politique et électorale). Mais peut-être pas.  Je retiens seulement qu’il a fait le bon choix de partir alors que je m’attendais plutôt au contraire. Il aurait pu empêcher le vote partout où il se sentait menacé. Il aurait pu retourner les résultats en sa faveur ou envahir les bureaux de la commission électorale lorsque le décompte des voix a basculé en faveur de son adversaire mais il ne l’a pas fait. Il aurait pu, après la proclamation des résultats, envoyer ses troupes dans les rues à l’assaut du peuple que je savais tout aussi déterminé à se battre pour préserver son choix souverain. Chacune de ces attitudes aurait débouché sur un bain de sang en Gambie. Ce scénario a été évité et il faut rendre grâce à Dieu, féliciter le peuple Gambien et le laisser savourer paisiblement sa victoire et utiliser ses propres mécanismes et ressorts politiques et sociaux pour régler ses problèmes.
Aujourd’hui, à peine la poussière s’est-elle estompée dans les rues de Banjul, Serekunda,  Birkama, Bassé ou Georgetown, que des organisations et autres acteurs de défense des droits de l’Homme commencent à menacer l’ancien Président de le faire traduire en justice pour ses crimes et violations des droits de l’Homme. Je sais bien que ces acteurs sont dans  leur rôle et qu’ils ont même la légitimité pour en parler car ayant mené pendant longtemps de nombreux combats pour soutenir le peuple Gambien. Mais il est beaucoup trop tôt pour parler de sanctions, de peines, d’arrestation ou de jugement.
Yaya Jammeh est encore dans le pays et détient  toute la puissance de feu de la Gambie. Des dizaines de généraux et de hauts gradés, des cadres administratifs de tout rang et des milliers de Gambiens dans les villes et villages l’aiment encore passionnément alors que d’autres ont tout à perdre suite à sa chute. Tous pourraient s’engager dans des voies les plus imprévisibles s’ils se sentent trop menacés et acculés. Aucun pan du système politique et social qu’il s’est construit pendant deux décennies n’est démantelé.

Et il faudra du temps et du tact pour le faire.
Chaque pays a son histoire, sa trajectoire et ses spécificités. N’imposons pas aux Gambiens un modèle conçu de l’extérieur et un timing que les structures de ce pays ne peuvent supporter. Dans le cas présent, un “intégrisme droit-de-l’hommiste”  pourrait faire basculer le pays et annihiler les efforts et sacrifices consentis. Laissons-les organiser une transition paisible et pacifique.  Le nouveau Président aura tellement d’urgences économiques, sociales et sécuritaires à traiter que je le verrai mal passer son temps à répertorier les cas de  violations des droits de l’homme ou des tortures infligées aux opposants. Il y a un temps pour tout.
En ce moment, restons dans le temps de la politique intelligente. Lorsque les Gambiens se sentiront prêts sur le plan politique et institutionnel à poursuivre ou pardonner qui ils voudront, ils seront les seuls à prendre cette décision. Méditons bien la sagesse de Nelson Mandela dont le peuple a vécu pendant des décennies sous apartheid ce qu’aucun autre peuple africain n’a vécu au 20ème siècle. Il a su faire ce qu’il fallait, comme il le fallait et au moment où il le fallait. Je milite pour la justice et le traitement approprié de tout crime du passé et du présent. Mais je préfère de loin la paix et la stabilité de l’avenir.
camou camara

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