Ce jeudi, la Cour suprême du Sénégal, siégeant en Chambre administrative, s’apprête à rendre une décision aux allures de test démocratique. Saisie par D-Media et plusieurs organes de presse, elle doit se pencher sur le recours visant à annuler l’arrêté du ministre de la Communication portant sur l’enregistrement des médias et l’instauration d’une commission de pilotage, un dispositif que nombre de professionnels perçoivent comme une tentative de mise sous tutelle du secteur.
Un arrêté qui a mis le feu aux poudres
L’affaire remonte à février. L’arrêté ministériel, imposant de nouvelles exigences administratives aux entreprises médiatiques, a eu l’effet d’un séisme : 381 médias ont été annoncés comme “non conformes”, tandis que seuls 258 figuraient officiellement en règle.
Un classement brutal, vécu comme une mise au ban administrative de plus de la moitié du paysage médiatique national.
Pour la Coordination des associations de presse (CAP), la coupe était pleine. L’organisation a dénoncé une procédure « unilatérale et illégale », accusant l’État de vouloir restreindre l’existence légale de nombreuses rédactions sous couvert de normalisation. Les syndicats de journalistes, déjà échaudés par les tensions politiques des derniers mois, y ont vu le risque d’une régression majeure en matière de liberté de la presse.
L’État plaide la transparence… et la bonne gestion
Face au tollé, le gouvernement a adopté une ligne de défense pragmatique :
il ne s’agirait nullement de museler quiconque, mais de mieux identifier les acteurs afin de rationaliser les subventions publiques attribuées aux médias. Autrement dit, une opération de “mise à jour administrative”.
Une justification qui peine à convaincre dans un contexte où la confiance entre la presse et la tutelle s’est fragilisée au fil des années. La suspicion d’un contrôle politique indirect reste vive, surtout au sein des organes les plus critiques du pouvoir.
Une bataille juridique aux enjeux démocratiques
La saisine de la Cour suprême ouvre désormais une nouvelle phase : celle du droit.
Les magistrats devront trancher une question essentielle :
où s’arrête la régulation légitime de l’État, et où commence l’atteinte à la liberté d’informer ?
L’enjeu dépasse le simple cadre administratif. Il touche à l’équilibre délicat entre responsabilité publique, pluralisme médiatique et garanties constitutionnelles. Dans un paysage où les médias jouent un rôle central dans la régulation démocratique, toute limitation perçue comme arbitraire devient explosive.
Un secteur suspendu à la décision de la Cour
À l’heure où la Chambre administrative examine le recours, la tension est palpable dans les rédactions. Entre inquiétude et espoir, nombreux sont ceux qui voient dans cette décision un moment charnière.
Confirmera-t-elle le pouvoir du ministère de la Communication, ou réaffirmera-t-elle les droits des acteurs médiatiques face à l’exécutif ?
Dans tous les cas, le verdict fera date. Et pourrait bien redessiner, durablement, les contours de la relation entre l’État et la presse au Sénégal
Mariata beye pour sunugal 24