Depuis l’arrivée du président Sall au pouvoir, la Société civile sénégalaise a baigné dans une certaine léthargie. Nombre de ces mouvements ont vu leurs leaders rejoindre le camp du pouvoir. Penda Mbow, Aziz Diop et même Alioune Tine qui, pendant un bon moment, a dirigé la Commission nationale des droits de l’homme avant de la quitter, pour ne citer que ceux-là flirtent avec le pouvoir.
Le Mouvement Y’en a marre, très actif du temps de Wade au point de gagner une légitimité internationale, a manifestement rangé ses armes pour se redéployer dans des activités moins guerrières comme des rencontres citoyennes dans les localités. Le mythique M23 n’est devenu que l’ombre de lui-même. Incapable de se structurer, le mouvement dont l’objet semble épuisé, ne doit sa survie qu’à l’entêtement de son coordonnateur Mouhamadou Mbodji à le tenir sur orbite avec des interventions sporadiques dans la presse.
Seuls le Forum civil, Amnesty International, la Ligue sénégalaise des droits de l’homme, La Raddho qui travaillent dans des domaines spécifiques ont continué à tenir le flambeau, à des degrés divers et généralement à des moments spécifiques comme la célébration de journées. Brahim Seck du Forum civil s’est alors tellement distingué dans cette tâche où il est devenu presque seul, qu’il a été tout récemment envoyé « au diable ».
Car, avec l’absence des membres de la Société civile, il a été obligé d’occuper, seul, les plateaux de télévisions, les studios de radios et les colonnes de la presse écrite et en ligne. C’est dire que le Sénégal a souffert de l’inféodation d’une bonne partie de la Société civile et de son manque de rayonnement véritable durant ces trois dernières années.
Certes des mouvements nouveaux comme le Forum du justiciable ont vu le jour, mais ils tardent encore à être bien connus. Réveil timide Aujourd’hui, la Société civile semble se réveiller, mais timidement et trop tard. À la faveur de la décision du président de la République de ne pas réduire son mandat, Y’en a marre, le M23 et bien d’autres mouvements se sont signalés.
Leurs discours rappellent ceux d’un certain 23 juin dont, il faut le reconnaitre, nous sommes bien loin. Ceux qui brandissent le spectre du 23 juin sont simplement nostalgiques et veulent faire bonne figure. Ils ne se rendent pas compte que le mouvement était quasi-spontané et relevait d’une exaspération générale. Le contexte est ici d’autant plus différent que le président Sall n’a pas commis une erreur de droit en violant la Constitution.
Il s’agit du respect de la parole donnée, donc d’un problème qui relève de la morale. Et dans ces cas de figure, chacun fait une appréciation personnelle de la situation en fonction du prisme de sa propre conscience. C’est ce que les Sénégalais ont fait. La preuve, au sein même des rangs de l’Alliance pour la République (Apr), des voies discordantes se sont fait entendre, malgré les apparences. Un cadre de parti nous confiait seulement, hier, que « ce n’est pas acceptable de tenir en halène le Peuple pendant 4 ans tout en sachant que le mandat ne sera pas réduit ».
Ce même son de cloche a été entendu dans les rangs de Benno Bokk Yakaar (BBY) avec les départs d’Imam Mbaye Niang et de Mansour Ndiaye. Bien sûr, la majorité des membres du parti présidentiel et de la coalition au pouvoir se disent en phase avec le président Sall, mais on ne pourra savoir ce qu’en pensent les Sénégalais qu’après avoir bien analysé le taux de participation au référendum et le résultat du vote.
La Société civile, elle, rate de plus en plus sa mission d’avant-garde et de veille en tant que groupe de pression. Certaines se sont tellement discréditées en flirtant avec le pouvoir ou en plongeant dans le silence et l’inaction face aux défis de l’heure, que cela a réagi négativement sur tout le mouvement. Elle aurait dû, face à l’intensité et à la durée du débat sur la réduction du mandat, tenir une attitude ferme qui aurait été dissuasive. On l’a au contraire peu entendu. Et il n’est pas superflu de se demander ce qu’elle peut faire aujourd’hui.
C’est dire que non seulement, il faudra réfléchir à rationnaliser la vie des partis politiques au Sénégal, mais la Société civile mérite, elle aussi, son « ndeup ». Elle doit mener sa propre réflexion interne et partager ce travail d’introspection avec tous les acteurs. Elle a impressionné le monde entier en 2012 avant de tomber dans l’indifférence qui frise la complicité et le reniement. Et cela, ce ne sont pas les agitations de circonstance sur le mandat présidentiel qui y changeront quelque chose.