À rebrousse-poil : Non, les Africains ne sont pas immunisés contre la xénophobie ! (Par Adama Ndiaye)

“Y’a pas de couleur pour être stupide, ignorant, raciste et borné

Pas une couleur attitrée à l’absurdité

Pas une couleur qui prouve ton intelligence

Pas une couleur qui témoigne de ta tolérance”

Kéry James

Nos confrères d’ITV ont réalisé un travail d’immersion riche d’enseignements sur des campements sauvages occupés par des migrants, issus de la sous-région, principalement du Niger, dans certains quartiers de Dakar. Le reportage décrit les conditions de vie précaires de ces femmes, enfants, et personnes âgées, obligés de fuir leur pays pour préserver leur vie face à la montée du terrorisme dans le Sahel. Il n’élude pas, non plus, le défi que pose cette communauté en termes d’hygiène, de salubrité et de mode de vie. Devant ces images, trois réactions : certains ont été fidèles à la fameuse téranga sénégalaise en affichant leur compassion à ces réfugiés, acculés à la mendicité pour trouver des moyens de subsistance ; d’autres se sont inquiétés, de façon tout à fait légitime, des problèmes d’hygiène et de santé publique inhérents à ce genre d’abris. Une dernière frange, enfin, a carrément cédé au réflexe xénophobe, avec des éléments de langage digne des partis d’extrême droite européens.

 

 

Le plus intéressant, néanmoins, ce sont les réactions stupéfaites de ces commentaires xénophobes. Beaucoup, en effet, considèrent comme une incongruité voire une anomalie que des noirs ou des Africains, souvent eux-mêmes victimes  de discrimination se muent, en viennent à tenir des discours intolérants .

C’est méconnaître que l’Afrique est, hélas, souvent le terrain de débordements xénophobes pouvant aller jusqu’à une violence extrême, qu’on ne voit presque plus en Europe. En décembre 2021, une personne a été tuée et plusieurs autres blessées dans des violences visant la communauté nigérienne dans plusieurs quartiers d’Abidjan, après la diffusion d’une fake news.

En Afrique du sud, plusieurs groupes manifestent leur mécontentement vis à vis de la présence d’immigrés clandestins, depuis janvier, obligeant le Président, Cyril Ramaphosa, à monter au créneau.”En tant que pays fondé sur la tolérance, sur le respect, sur la diversité, et sur la non-discrimination, nous ne devons jamais nous laisser aller à s’en prendre aux personnes venues d’autres pays. Bien sûr, en ce moment, nous affrontons le problème du chômage, mais ce problème ne doit jamais se traduire par une guerre contre ces personnes. Car lorsque nous prenons ce chemin, immédiatement, cela ravive l’esprit de la xénophobie”, a-t-il déclaré, lundi 21 mars, lors de son discours  annuel dans le cadre de la célébration de la  journée des droits de l’homme.

En Afrique du nord, le racisme et la xénophobie  contre les noirs est endémique et sévit en toute impunité.

Au Sénégal,

Dieu merci, nous n’en sommes pas encore arrivés à ces  débordements barbares. Toutefois, nous ne sommes pas exempts de reproches, comme l’attestent certaines réactions à l’afflux massif de migrants nigériens.

Les Sénégalais, qui souvent aiment à se voir plus beaux qu’ils ne sont, gagneraient à écouter comment les autres communautés africaines perçoivent leur cohabitation avec eux. Ceux-là, notamment ceux que l’on appelle  les “gnak”, tout en louant le sens de l’hospitalité de la majorité, ne manquent pas d’épingler la condescendance, le mépris et une forme de complexe de supériorité que les Sénégalais ont à leur égard. Certains d’entre eux relèvent avec ironie, parfois avec agacement, la propension des bailleurs dans le secteur de l’immobilier, des commerçants, ou des chauffeurs de transports en commun, notamment les taxis, à les prendre pour des benêts juste bons à gruger.

Mais ces anecdotes, aussi gênantes soient-elles pour ceux qui les subissent, n’ont rien de comparable à ce qui se passe dans bien des pays africains, du nord au sud. Et l’on peut s’en réjouir et s’en féliciter.