Nouveau rebondissement dans l’affaire tentaculaire qui secoue l’univers opaque des paris en ligne au Sénégal. Deux dirigeants de la société Premierbet, poids lourd du secteur, sont désormais dans le viseur du juge du troisième cabinet du Pool judiciaire financier (PJF). Il s’agit de Joris Dutel, gérant de la société, et de Frank Attal, patron du groupe Editec, actionnaire majeur de Premierbet. Tous deux sont visés par une information judiciaire ouverte pour blanchiment de capitaux, abus de biens sociaux, fraude fiscale, et conflit d’intérêts aggravé.
Le signalement initial provient de la CENTIF (Cellule nationale de traitement des informations financières), qui a alerté le parquet financier sur d’importants flux financiers suspects, des structures d’actionnariat opaques, et des montages dignes d’un manuel de dissimulation patrimoniale.
Une procédure en cascade
Dans ce dossier à tiroirs, le juge instructeur n’a pas tardé à réagir. Il a émis un mandat d’amener contre les deux hommes d’affaires. Premier à faire face à la justice, Joris Dutel a préféré anticiper : selon les informations du journal Libération, il s’est présenté de son propre chef devant le juge, accompagné de ses avocats. Déjà placé sous bracelet électronique dans le cadre d’un autre dossier de fraude fiscale présumée, il a insisté sur sa « volonté de coopérer » et sa « totale disponibilité ». Son inculpation est attendue dans les tout prochains jours.
Ce développement judiciaire s’inscrit dans la continuité d’un premier coup dur pour le gérant de Premierbet, déjà poursuivi dans un dossier fiscal pendant devant le tribunal hors classe de Dakar. Pour les observateurs avertis, cette nouvelle procédure constitue un second front judiciaire particulièrement menaçant.
Frank Attal : le grand absent
L’affaire prend une tournure plus complexe avec la disparition de Frank Attal, fondateur du groupe Editec et figure incontournable des paris sportifs en ligne à l’échelle panafricaine. D’après les vérifications menées par la police judiciaire, Attal n’a pas remis les pieds au Sénégal depuis octobre 2019. Une absence remarquée qui, dans le contexte actuel, résonne comme un signe de fuite.
Le juge pourrait ainsi franchir une nouvelle étape en émettant un mandat d’arrêt international à l’encontre de l’homme d’affaires franco-libanais. Une décision qui, si elle est confirmée, marquerait un tournant dans la coopération judiciaire entre le Sénégal et ses partenaires internationaux, notamment en Europe et au Moyen-Orient.
Un modèle économique sous pression
Au-delà des individus mis en cause, c’est tout un modèle économique basé sur les paris en ligne qui est aujourd’hui passé au crible. Premierbet, mastodonte du secteur, est depuis plusieurs années l’objet de critiques récurrentes concernant ses pratiques financières, sa transparence fiscale et ses liens troubles avec des sociétés-écrans domiciliées à l’étranger.
Les accusations portées – blanchiment, fraude, conflits d’intérêts – laissent entrevoir l’existence d’un système de dissimulation sophistiqué, au cœur duquel les dirigeants auraient utilisé la complexité des structures juridiques et financières pour dissimuler des profits, détourner des fonds ou échapper au fisc.
Une justice déterminée ?
L’action du Pool judiciaire financier traduit une volonté croissante des autorités sénégalaises de serrer la vis contre la criminalité économique, dans un pays où la croissance des secteurs digitaux – notamment les jeux en ligne – a parfois échappé à la régulation.
Reste à savoir si cette enquête aboutira à des condamnations fermes ou si, comme dans tant d’affaires à fort enjeu économique, la montagne judiciaire accouchera d’une souris procédurale. Une chose est sûre : pour Premierbet, et ses têtes pensantes, l’addition judiciaire commence à s’alourdir sérieusement.
Mariata beye pour sunugal 24